L’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la
presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse
pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de « chien de garde » et son
aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie.
Eu égard à l’importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la
liberté de la presse dans une société démocratique et à l’effet négatif sur l’exercice de
cette liberté que risque de produire une ordonnance de divulgation, pareille mesure ne
saurait se concilier avec l’article 10 (art. 10) de la Convention que si elle se justifie par
un impératif prépondérant d’intérêt public ».
(CEDH, Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, no 17488/90, § 39)

La Cour de Strasbourg a également eu l’occasion de sougliner l’importance d’un
contrôle distinct de l’exécutif sur les mesures portant atteinte à la confidentialité des
sources :
« Au premier rang des garanties exigées doit figurer la possibilité de faire contrôler la
mesure par un juge ou tout autre organe décisionnel indépendant et impartial. Le principe selon lequel, dans les affaires concernant la protection des sources des journalistes,
« le tribunal doit pouvoir contempler le tableau complet de la situation » a été souligné
dans l’une des toutes premières affaires de cette nature examinées par les organes de
la Convention (...). Le contrôle requis doit être mené par un organe, distinct de
l’exécutif et des autres parties intéressées, investi du pouvoir de dire, avant la remise
des éléments réclamés, s’il existe un impératif d’intérêt public l’emportant sur le principe de protection des sources des journalistes et, dans le cas contraire, d’empêcher
tout accès non indispensable aux informations susceptibles de conduire à la divulgation
de l’identité des sources ».
(CEDH, Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas, 14 septembre 2010, no 38224/03, § 90)

Droit de l’Union européenne
Enfin, parmi les griefs retenus par la CJUE dans son arrêt Digital Rights 13 pour
invalider la directive 2006/24/CE, la Cour de Luxembourg souligne que la conservation
des données de connexion « s’applique donc même à des personnes pour lesquelles il
n’existe aucun indice de nature à laisser croire que leur comportement puisse
avoir un lien, même indirect ou lointain, avec des infractions graves. En outre,
elle ne prévoit aucune exception, de sorte qu’elle s’applique même à des personnes
dont les communications sont soumises, selon les règles du droit national,
au secret professionnel » (§58). Cet arrêt met en lumière la nécessité d’apporter des
garanties spéciales au secret des professions protégées.

10.4.1. Une protection insuffisante des avocats, magistrats et
journalistes
En l’espèce,
La présente loi crée un article L. 821-5-2 au CSI, disposant que :
« Un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ne peut être l’objet d’une
demande de mise en œuvre, sur le territoire national, d’une technique de recueil de
13. Voir développements supra, section 5.2.4 page 42.

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