10.2.2.3.

Le contournement de l’avis préalable de la CNCTR au moyen des
procédures d’urgence

Troisièmement, la présente loi ne prévoit pas davantage que tel avis soit systématiquement rendu au préalable de la mise en œuvre des techniques. En effet, l’article L. 821-5
prévoit que « en cas d’urgence absolue et pour les seules finalités mentionnées aux 1o et
4o de l’article L. 811-3, le Premier ministre, ou l’une des personnes déléguées mentionnées
à l’article L. 821-4, peut délivrer de manière exceptionnelle l’autorisation mentionnée au
même article L. 821-4 sans avis préalable de la Commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement. ».
Plus nettement encore, l’article L. 821-5-1 prévoit que « en cas d’urgence liée à une
menace imminente ou à un risque très élevé de ne pouvoir effectuer l’opération ultérieurement, les appareils ou dispositifs techniques mentionnés aux articles L. 851-6 et L. 851-7
peuvent, de manière exceptionnelle, être installés, utilisés et exploités sans l’autorisation
préalable mentionnée à l’article L. 821-4 par des agents individuellement désignés et habilités ». Les dispositifs ici visés sont ceux permettant la localisation en temps réel d’une
personne, d’un véhicule ou d’un objet ou le recueil de données techniques de connexion
permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de
son utilisateur ainsi que les données relatives à la localisation des équipements terminaux
utilisés.
Dans ces deux cas — l’urgence « absolue » ou l’urgence « opérationnelle » —, les
conditions permettant de différer l’avis de la CNCTR sont arbitrairement établies par les
personnes s’en prévalant, à savoir le Premier ministre et les agents concernés.
En conclusion,
Le contrôle préalable prévu par la présente loi, qui n’est que consultatif et facultatif,
échoue manifestement à offrir les garanties fondamentales exigées par la Constitution et
par le droit international pour assurer le respect des droits et libertés protégés par cette
dernière, alors même que les techniques en cause portent des atteintes d’une particulière
gravité au droit à la vie privée et à la liberté de communication ainsi qu’à la liberté
individuelle.

10.2.3. L’incohérence de l’absence de contrôle juridictionnel préalable
Le Conseil constitutionnel considère l’autorisation préalable d’une juridiction comme
une garantie nécessaire au respect de droits et libertés fondamentaux lorsque la police
judiciaire met en œuvre des techniques d’interception de correspondances 8 , de captation
8. Cons. const., décision 2004-492 DC, 2 mars 2004, cons. 59 à 61 : « Considérant que les dispositions critiquées ne s’appliquent que pour la recherche des auteurs des infractions entrant dans le champ
d’application de l’article 706-73 ; qu’elles doivent être exigées par les besoins de l’enquête et autorisées
par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, à la requête du procureur de
la République ; que cette autorisation est délivrée pour une durée maximale de quinze jours, qui n’est
renouvelable qu’une fois, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention ; Considérant, par ailleurs,
que demeurent applicables les garanties procédurales requises pour l’utilisation de tels procédés dans le
cadre de l’instruction, s’agissant des autres types d’infractions ; Considérant que, dans ces conditions, les
dispositions critiquées ne portent une atteinte excessive ni au secret de la vie privée ni à aucun autre

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