10.2.2. L’ineffectivité du contrôle administratif préalable prévu
La présente loi soumet la mise en œuvre des techniques qu’elle institue à l’autorisation du Premier ministre, prévue à l’article L. 821-1, ainsi qu’à l’avis de la Commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), prévue à l’article L.
821-3.
Or, la seule autorisation du Premier ministre ne saurait offrir la moindre garantie
contre l’arbitraire, ce dernier partageant avec le Président de la République l’autorité
directe sur les services de renseignement. Ainsi, le contrôle de la CNCTR est la seule
garantie proposée par la loi pour assurer le respect des droits et libertés mis en cause. Or,
un tel contrôle apparaît comme manifestement inefficace à chacune des étapes auxquelles
il intervient.

10.2.2.1.

Le caractère consultatif des avis délivrés par la CNCTR

Premièrement, contrairement aux autorisations requises du juge judiciaire par la police judiciaire pour porter atteinte à la vie privée 7 , les décisions de la CNCTR sont de
simples avis consultatifs ne conditionnant nullement la mise en œuvre des techniques
de renseignement.
De même, la CNCTR ne dispose d’aucun pouvoir contraignant lorsqu’elle constate
qu’une technique va être mise en œuvre en violation de la présente loi. Elle ne peut que
produire des recommandations au Premier ministre ou, à terme, saisir le Conseil d’État,
dans des conditions portant une atteinte injustifiée aux droits et libertés.

10.2.2.2.

Le caractère facultatif des avis délivrés par la CNCTR

Deuxièmement, la présente loi ne prévoit pas que tel avis soit systématiquement rendu.
En effet, alors que l’article L. 821-1 prévoit que l’autorisation du Premier ministre est par
principe « délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement », l’article L. 821-3 prévoit, à son second alinéa, que « en l’absence d’avis
transmis dans les délais prévus au même article, celui-ci est réputé rendu », ces délais
étant de 24h lorsque la demande d’autorisation n’est examinée que par le seul membre de
la CNCTR à qui elle a été transmise, et de 72h lorsqu’elle est examinée par la formation
restreinte ou plénière de la CNCTR.
Ainsi, dès l’instant où les services transmettraient simultanément un nombre de demandes trop important pour que la CNCTR puisse les examiner en 24h par un de ses
membres ou en 72h par au moins trois de membres, une part potentiellement importante
de ces demandes serait autorisée sans qu’aucun avis n’ait été rendu quant à leur conformité
à la présente loi. Dès lors, les services de renseignement disposent de moyens pratiques
sérieux pour affaiblir l’effectivité du contrôle auquel leurs activités sont soumises.
7. Voir sous-section 10.2.3 page suivante

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