La conclusion qu’il faut tirer de cette expérience étrangère est que les techniques de
renseignement doivent être soumises à un contrôle dont la portée est effective. Cette effectivité peut être garantie, par exemple, en permettant un accès au dossier dans son
intégralité, en permettant de procéder à une analyse fine des matériels sollicités, en empêchant les collectes de masse, en permettant au juge de déclassifier de son propre chef
certaines pièces, notamment. Dans tous les cas, cette effectivité dépend avant toute chose
de la soumission des mesures de surveillance à un contrôle juridictionnel préalable.
10.1. L’exigence constitutionnelle d’un contrôle juridictionnel préalable
Le respect des droits et libertés reconnus par la Déclaration de 1789 et les exigences
posées par l’article 34 de la Constitution impliquent pour le législateur l’obligation de
prévoir les « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés
publiques » parmi lesquelles figurent le respect de la vie privée et la liberté d’expression
et de communication, respectivement protégés par les articles 2 et 11 de la Déclaration
de 1789.
Ainsi, la protection de ces droits reconnus aux citoyens contre des atteintes d’une
gravité particulière implique de requérir l’intervention et le contrôle d’une autorité juridictionnelle, que ce soit ceux de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle
(section 10.1.1) ou, à tout le moins, ceux d’une juridiction offrant les garanties d’indépendance et d’effectivité nécessaires, en cas d’atteinte aux droits et libertés fondamentaux
(section 10.1.2 page ci-contre).
10.1.1. L’exigence d’un contrôle préalable de l’autorité judiciaire
sur les atteintes à la liberté individuelle
L’article 66 de la Constitution dispose que :
Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe
dans les conditions prévues par la loi.
Le Conseil constitutionnel a déjà considéré :
que la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter
atteinte à la liberté individuelle.
(Décision no 94-352 DC du 18 janvier 1995)
Certes, les associations amicus n’ignorent pas que la notion de liberté individuelle
est distincte de la notion de liberté personnelle, reconnue à l’article 2 de la Déclaration
de 1789, laquelle implique le droit au respect de la vie privée (Cons. constit. Dec. no
99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 45), mais aussi le droit à la sûreté et à la résistance
à l’oppression.
Pour autant, le contrôle de l’autorité judiciaire a vocation à s’appliquer pour prévenir
des atteintes arbitraires au droit au respect de la vie privée, lorsque ces atteintes sont tellement graves qu’elles peuvent avoir pour effet de porter atteinte à la liberté individuelle.
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