Il en est de même en cas d’atteinte grave à la sûreté des personnes, puisque l’autorité
judiciaire est aussi garante du principe que nul ne peut être arbitrairement détenu.
Aucune règle constitutionnelle n’implique de distinction exclusive entre la protection
de la liberté personnelle et la nécessité de requérir l’intervention de l’autorité judiciaire,
gardienne de la liberté individuelle. À ce sujet, le professeur Vincent Mazeaud écrivait
récemment en ce sens :
« Cela ne signifie pas pour autant que l’article 66 soit mécaniquement exclu en
présence d’une atteinte à la vie privée : ces deux articles [2 et 66] peuvent
évidemment faire l’objet d’une application combinée. »
(V. Mazeaud, La constitutionnalisation du droit au respect de la vie privée,
Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 1er juin 2015, no 48, p. 7)
À l’inverse, une mesure susceptible de porter une atteinte particulièrement
grave au respect au droit à la vie privée peut être de nature à porter atteinte
à la liberté individuelle ; dans ce cas, une telle mesure exige qu’elle relève du monopole
de l’autorité judiciaire — de la même façon que les atteintes particulièrement graves au
droit à la sûreté relèvent de l’autorité judiciaire.
Ainsi, en matière de procédure pénale, le Conseil constitutionnel assure le respect de la
liberté individuelle en imposant que les garanties entourant des mesures portant atteinte
à la vie privée répondent aux exigences constitutionnelles de l’article 66 et qu’en outre
ces mesures soient proportionnées au but poursuivi par le législateur, ce qui implique des
garanties procédurales appropriées. De sorte, il a pu juger que, « eu égard aux exigences
de l’ordre public et de la poursuite des auteurs d’infractions, le législateur peut prévoir
la possibilité d’opérer des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de nuit dans le cas
où un crime ou un délit relevant de la criminalité et de la délinquance organisées vient
de se commettre, à condition que l’autorisation de procéder à ces opérations
émane de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que
le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales
appropriées ; » (Cons. const., décision no 2004-492 DC du 2 mars 2004, cons. 46).

10.1.2. L’exigence d’un contrôle préalable d’une autorité juridictionnelle sur les atteintes graves aux droits et libertés
Même en l’absence d’une atteinte à la liberté individuelle et au regard du seul article
34 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a déjà pu exiger le contrôle d’une autorité
juridictionnelle destiné à assurer une conciliation équilibrée et proportionnée entre les buts
poursuivis par le législateur et les exigences de protection des droits et libertés consacrés
par la Déclaration de 1789.
De jurisprudence constante, la Cour EDH considère elle aussi qu’une société démocratique « implique, entre autres, qu’une ingérence de l’exécutif dans les droits d’un individu
soit soumise à un contrôle efficace » et que ce contrôle doit normalement être assuré par
« le pouvoir judiciaire car il offre les meilleures garanties d’indépendance, d’impartialité
et de procédure régulière » (CEDH, Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978,
no 5029/71, §55).
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