du Conseil d’État du droit international et de la jurisprudence afférente –, il convient
d’ajouter que cette distinction national/international était auparavant justifiée par les
obstacles techniques qui limitaient fortement la capacité de l’État à conduire des opérations de surveillance hors des frontières et qui imposaient en pratique de se limiter à
quelques cibles les plus stratégiques. Le renseignement restait dominé par des problématiques d’espionnage et de contre-espionnage. À cet égard, les récentes révélations de la
presse sur la surveillance des chefs d’État et autres dirigeants français par la NSA ne
constituent que le prolongement de pratiques somme toute anciennes 9 .
Or, les limites techniques et doctrinales à la surveillance sont largement mises en cause
par l’évolution des techniques numériques de communication et de usages :
– d’une part en raison de la puissance des outils informatiques utilisés pour la captation, le stockage ou l’analyse du trafic, qui permettent des économies d’échelle
considérables ;
– de l’autre, en raison de la transnationalisation croissante des réseaux de communication, qui fait que même des communications purement nationales dans les décisions
d’émission et de reception peuvent être « internationales » au plan technique, car
transmises au travers d’équipements situés hors des frontières nationales ».
La l’État d’intercepter et d’exploiter massivement les communications internationales
en transit sur le territoire national. S’ajoutent à ces aspects techniques l’évolution des
doctrines dans le champ du renseignement, qui depuis 2001 a conduit à placer sous surveillance étendue des populations civiles, et le fait que se développait en même temps
la coopération transnationale entre services de renseignement de différents pays soumis
à des régimes juridiques différents (ces derniers s’échangeant des données hors de tout
véritable contrôle).
L’ensemble de ces éléments remettent radicalement en cause la distinction traditionnelle entre surveillances nationale et internationale. Ce sont justement ces évolutions qui
sont au cœur des révélations permises par Edward Snowden 10 – qui justifient l’ampleur
des controverses auxquelles le Conseil d’État fait référence.
En acceptant la mise en place du régime spécial prévu par l’article L. 854-1, le législateur a refusé d’en tirer les conséquences et a violé la Constitution et le droit international.
9.4.2. La Constitution et le droit international imposent de respecter l’universalité des droits
En droit,
En son article premier, la Constitution dispose :
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales
9. Voir les révélations de WikiLeaks, Mediapart et Libération du 23 juin dernier. Lenaïg Bredoux, Mathieu Magnaudeix et Ellen Salvi. Espionnage : l’Elysée dénonce des « faits inacceptables », Mediapart, 24
juin 2015. Disponible à l’adresse : https://www.mediapart.fr/journal/france/240615/espionnagelelysee-denonce-des-faits-inacceptables
10. Ces évolutions et leurs conséquences juridiques sont analysées plus en détail dans une étude internationale conduite en réaction aux premières révélations d’Edward Snowden sur les pratiques de la
NSA : « Scope : Extra-territorial Application of Human Rights Treaties » in Background and Supporting
International Legal Analysis. Disponible à l’adresse : https://en.necessaryandproportionate.org/
LegalAnalysis/scope-extra-territorial-application-human-rights-treaties.
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