défini avec la clarté requise l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation considérable conféré à l’État en matière d’interception et d’analyse des communications à destination ou en provenance de l’étranger, la loi en vigueur à l’époque
pertinente n’offrait pas une protection suffisante contre les abus de pouvoir ».
(CEDH, Liberty c. Royaume-Uni, no 58243/00, 1er octobre 2008, §§68 et 69.)
La Cour sanctionnait alors le Royaume-Uni pour ne pas avoir assuré la prévisibilité
de la loi sur laquelle se fondaient ces opérations de surveillance internationale.
Si la loi déférée prétend répondre à cet impératif d’intelligibilité et de prévisibilité de la
loi en prévoyant un décret public pour définir notamment « les conditions d’exploitation,
de conservation et de destruction des renseignements collectés, ainsi que les conditions
de traçabilité et de contrôle par la Commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement de la mise en œuvre des mesures de surveillance », seul un décret non
publié est prévu pour préciser les modalités concrètes de ces opérations de surveillance,
dont la publicité est pourtant essentielle pour apporter une connaissance suffisante quant
à la portée des dispositions législatives en question.
Le choix de la voie réglementaire pour préciser ces différents aspects touchant directement aux droits et libertés constitutionnellement garantis pose d’emblée la question de
l’incompétence négative du législateur. Mais s’agissant de l’intelligibilité et de la prévisibilité de la loi, c’est surtout le choix d’un décret secret pour préciser les modalités de la
surveillance internationale, et notamment les règles en matière de recueil des renseignements, qui pose problème.
Pour illustrer l’exigence de transparence qu’implique la notion de prévisibilité de la
loi, il est utile de se référer à la décision du 6 février 2015 par laquelle le tribunal chargé
du contrôle des interceptions de sécurité au Royaume-Uni — le Investigatory Powers
Tribunal —, a jugé qu’en échouant à assurer la publicité des règles permettant au GCHQ
d’accéder aux données collectées par la NSA sur les citoyens britanniques, les pouvoirs
publics avaient contrevenu à cette exigence conventionnelle 5 .
9.2.2. Les notions clés de « réception » et d’« émission » ne sont
pas clairement définies
Outre cette absence de transparence qui nuit à l’intelligibilité du texte, la loi déférée
échoue à préciser la nature exacte des communications internationales concernées en ne
définissant pas la portée des notions d’émission ou de réception à l’étranger. Comme il
a été vu au point 9.1 page 70, il y a de nombreuses interprétations possibles de cette
notion, sans que la loi vienne expliciter laquelle doit être prise en compte.
De toute évidence, la notion de « communication émise ou reçue à l’étranger » est
« susceptible d’au moins deux interprétations » et contrevient dès lors à la jurisprudence
constitutionnelle 6 .
5. “(...) the regime governing the soliciting, receiving, storing and transmitting by UK authorities of
private communications of individuals located in the UK, which have been obtained by US authorities
pursuant to Prism and/or (on the Claimants’ case) Upstream, contravened Articles 8 or 10 ECHR”.
Investigatory Powers Tribunal, Liberty and others c. Secretary of State for Foreign and Commonwealth
Affairs & Other, 6 février 2015. Disponible à l’adresse : http://www.ipt-uk.com/docs/Liberty_Ors_
Judgment_6Feb15.pdf.
6. Conseil constitutionnel, Décision no 85-191 DC, 10 juillet 1985, cons. 5.
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