La CEDH a par ailleurs eu l’occasion de condamner la France à deux reprises pour des
sonorisations antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation
de la justice aux évolutions de la criminalité. La France a par exemple été sanctionnée
pour la violation de l’article 8 de la CESDH concernant la sonorisation de l’appartement
d’un tiers, dans lequel le requérant s’était rendu. La CEDH estime dans cet arrêt que :
« (...) comme les interceptions d’entretiens téléphoniques, les écoutes de conversations
par le biais de la pose de micros représentent une atteinte grave au respect de la vie
privée. Elles doivent donc se fonder sur une « loi » d’une précision particulière : dans ce
domaine aussi, l’existence de règles claires et détaillées apparaît indispensable, d’autant
que les procédés techniques utilisables ne cessent de se perfectionner (...). Selon la
Cour, la « loi » doit offrir aux justiciables « des sauvegardes adéquates » contre les abus
à redouter (...), de même nature qu’en matière d’écoutes téléphoniques »
(CEDH, Vetter c/ France, 31 mai 2005, no 59842/00, §26)
La Cour souligne en outre que « les catégories de personnes susceptibles de faire
l’objet d’une telle mesure et la nature des infractions pouvant y donner lieu doivent
être définies » (§27).
La CEDH a également jugé illégal un dispositif de sonorisation au regard de l’article
8 de la convention, dans un parloir d’une maison d’arrêt. L’enregistrement est considéré
dans ce cas comme une ingérence dans la vie privée du détenu et de ses proches car il
n’est pas prévu par la loi, au sens de l’article 8 §2 de la convention (CEDH, Wisse c/
France, 20 décembre 2005). La Cour rappelle dans cet arrêt que :
« (...) Les mots « prévue par la loi », au sens de l’article 8 §2, veulent d’abord que
la mesure incriminée ait une base en droit interne (...). À l’instar des interceptions
d’entretiens téléphoniques ou des écoutes de conversations par le biais de la pose de
micros, la loi sur laquelle il se fonde doit être prévisible quant au sens et à la nature
des mesures applicables (...). Parmi les « sauvegardes adéquates » contre les abus à
redouter figurent les catégories de personnes susceptibles de faire l’objet d’une telle
mesure et la nature des infractions pouvant y donner lieu doivent être définies »
(CEDH, Wisse c/ France, 20 décembre 2005, no 71611/01, §33)
La CEDH exige dans ces deux arrêts que le droit français indique de manière suffisamment claire les possibilités d’ingérence par les autorités dans la vie privée des personnes
poursuivies, ainsi que l’étendue et les modalités d’exercice de leur pouvoir d’appréciation
dans ce domaine.
Le fait pour la loi de prévoir simplement une possibilité d’ingérence par une autorité
publique ne suffit pas pour garantir le respect de l’article 8 de la convention. La loi doit
donc définir avec précision la nature des infractions pouvant donner lieu à
l’utilisation de ces dispositifs. Or, si une liste précise d’infractions est bien établie
dans le code de procédure pénale afin de justifier l’utilisation de ces techniques, cela n’est
pas le cas dans le code de sécurité intérieure.
En l’espèce,
Les nouvelles dispositions du code de la sécurité intérieure ne prévoient pas de liste
d’infractions à l’appui de laquelle les services spécialisés de renseignement pourraient recourir aux techniques mentionnées dans le titre V, du livre VIII, notamment la sonorisation et captation (voir chapitre 3 page 15). Les cas d’infractions n’étant pas expressément
définis et le champ matériel d’application n’étant pas précisé, une marge de manœuvre
trop importante est laissée au pouvoir exécutif et à la CNCTR.
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