ingérence soit précisément encadrée par des dispositions permettant de garantir
qu’elle est effectivement limitée au strict nécessaire. »
(CJUE, Digital Rights Ireland, C-293/12, Grande chambre, 8 avril 2014)

De même, dans ses conclusions sur cette affaire 10 , l’avocat général Pedro Cruz Villalón
soulignait quant à lui que, même si « la directive 2006/24 exclut de son champ d’application, de manière aussi expresse qu’insistante, le contenu des communications téléphoniques ou électroniques, les informations communiquées elles-mêmes », il n’en demeure
pas moins qu’un tel dispositif « constitue une ingérence particulièrement caractérisée dans le droit au respect de la vie privée » (§ 70-71). Or, pour l’avocat général :
« Les effets de cette ingérence se trouvent démultipliés par l’importance acquise par les
moyens de communications électroniques dans les sociétés modernes, qu’il s’agisse des
réseaux mobiles numériques ou d’Internet, et leur utilisation massive et intensive par une
fraction très importante des citoyens européens dans tous les champs de leurs activités
privées ou professionnelles.
Les données en question, il importe également d’insister encore une fois à cet égard,
ne sont pas des données personnelles au sens classique du terme, se rapportant à des
informations ponctuelles sur l’identité des personnes, mais des données personnelles
pour ainsi dire qualifiées, dont l’exploitation peut permettre l’établissement d’une cartographie aussi fidèle qu’exhaustive d’une fraction importante des comportements d’une
personne relevant strictement de sa vie privée, voire d’un portrait complet et précis de
son identité privée ».
(Conclusions de l’avocat général dans l’affaire Digital Rights, présentées le 12 décembre
2013, § 73-74).

Si la conservation des données de connexion permet de tirer des conclusions très précises concernant la vie privée des personnes dont les données ont été conservées, a fortiori
l’accès à de telles données constitue également une ingérence « d’une vaste ampleur et
d’une gravité particulière » au droit à la vie privée et à la liberté de communication.
Enfin, le Conseil constitutionnel a lui-même déjà souligné l’évolution majeure des
moyens de communications modernes pour constater l’importance de l’atteinte à une
liberté ou un droit protégé par la Déclaration de 1789 :
« Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des
droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer
librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la
loi » ; qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à
l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique
et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces
services ; »
(Décision no 2009-580 DC du 10 juin 2009, cons. 12)

Ainsi, sa décision de 2006 sur l’accès aux métadonnées reflète une réalité technique
largement dépassée. Cet état de fait est donc certainement à réévaluer à la lumière des
évolutions dans l’utilisation des outils de communication électronique, et donc de la gravité nouvelle de l’atteinte à la vie privée que constitue un accès aux métadonnées.
10. Conclusions de l’avocat général dans l’affaire Digital Rights, présentées le 12 décembre 2013.

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