et que l’alerte interne à l’administration serait objectivement risquée ou inefficace, est
constitutif d’une infraction pénale.
Il en ressort que le champ de cette incrimination dépasse très largement les seules
informations et données administratives couvertes par le secret de la défense nationale.
Sa portée très large est d’autant plus disproportionnée que, dans le même temps, la loi
facilite le fait pour l’autorité administrative de détruire, de cacher ou de dissimuler des
preuves, puisque le texte invite la CNCTR à « informer » l’autorité de tutelle des services,
à savoir le Premier ministre, des signalements qu’elle reçoit. En outre, même dans les cas
où l’alerte interne fonctionnerait et que la CNCTR se décidait à saisir le Conseil d’État,
l’information du public resterait entravée par le secret de la défense nationale, le Premier
ministre restant maître des procédures de déclassification (voir section 11.3.2 page 116).
L’entrave au droit à l’information auquel aboutit l’article L. 881-1 participe en fait
de l’économie générale du texte, qui interdit toute réelle transparence, et ce non seulement concernant les situations d’illégalité constatées par la CNCTR et le Conseil d’État
s’agissant des autorisations illégales qui seraient délivrées, mais aussi tout autre abus lié
à la mise en œuvre des techniques de renseignement. En effet, l’article L. 833-4 relatif au
rapport d’activité de la CNCTR n’autorise la transparence que sur :
– 1o le nombre de demandes dont elle a été saisie et d’avis qu’elle a rendus ;
– 2o le nombre de réclamations dont elle a été saisie ;
– 3o le nombre de recommandations qu’elle a adressées au Premier ministre et de
suites favorables données à ces recommandations ;
– 4o le nombre d’observations qu’elle a adressées au Premier ministre et d’avis qu’elle
a rendus sur demande ;
– 5o le nombre d’utilisations des procédures d’urgence définies aux articles L. 821-5 et
L. 821-5-1 ; de recours dont elle a saisi le Conseil d’État et de recours pour lesquels
elle a produit des observations devant lui.
Dans le même temps, aucune transparence n’est permise au niveau des décisions du
Conseil d’État (voir section 11.3 page 112). L’article L. 773-7 du code de la justice administrative créé par la loi déférée ne prévoit en effet aucune publicité s’agissant de la
jurisprudence de la formation spéciale du Conseil d’État. Le requérant et plus encore
le public ne bénéficient d’aucune information précise au-delà du simple fait qu’une irrégularité a été constatée. Une absence de transparence qui contraste par exemple avec
les règles applicables au Royaume-Uni, où elles s’avèrent encore manifestement insuffisantes 6 . Cette opacité contrevient également directement au principe 28(b) des principes
de Tshwane, lequel dispose que :
« (...) Les jugements de cour – qui exposent l’ensemble des ordres de la cour,
les conclusions essentielles, les preuves et l’argumentaire légal – doivent être
rendus publics ».
Au final, aucune transparence n’est donc possible sur le nombre de situations d’illégalité et d’infractions mises à jour par les deux principales instances de contrôle des services
de renseignement. Il n’est permis aucune information du public sur les activités illégales
du pouvoir exécutif en matière de surveillance secrète, la nature des faits constitutifs
d’infractions pénales et la commission même de ces infractions restant couvertes par le
secret.
6. Pour une illustration récente, voir : Owen Bowcott. GCHQ’s surveillance of two human rights groups
ruled illegal by tribunal, The Guardian, 22 juin 2015. Disponible à l’adresse : http://www.theguardian.
com/uk-news/2015/jun/22/gchq-surveillance-two-human-rights-groups-illegal-tribunal.

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