compétent pour déclassifier lui-même certains documents liés aux requêtes qu’il instruit,
notamment en vue de les transmettre au procureur (voir infra, section 11.3.2 page 116).
Enfin, la notion de « violation manifeste » crée une insécurité juridique pour les lanceurs d’alerte qui ne peut que conduire à ce que se prolongent des atteintes injustifiables
aux droits et libertés. À l’image de la notion du « manifestement illicite » dans la jurisprudence constitutionnelle relative à la LCEN 5 , elle ne repose de manière assez paradoxale
sur aucun critère juridique intelligible, et n’apporte aucun sens précis à la disposition, et
sera donc vecteur d’arbitraire au cours de l’application de la norme par les pouvoirs exécutifs et juridictionnels. L’adjectif « manifeste » ne sert en fait qu’à permettre le maintien
de l’opacité sur des situations illégales voire constitutives de crimes ou de délits mais qui
ne seraient pas nécessairement perçues comme tels parce que ne constituant pas aux yeux
de l’agent une violation manifeste du code de la sécurité intérieure.
En conclusion,
Pour respecter l’article 2 et l’article 11 de la déclaration de 1789, l’article L. 855-3-I
doit faire l’objet de plusieurs réserves d’interprétation.
La première doit priver d’effet l’amendement gouvernemental supprimant l’alinéa 10
de l’article 3 bis afin de ne pas priver de toute effectivité l’article L. 855-3, une réserve
d’interprétation doit rappeler l’évidence, à savoir que l’agent est libre de livrer toute
information nécessaire à la réalisation des missions de la CNCTR.
La deuxième doit préciser que cette disposition concerne, outre le livre VIII du code de
la sécurité intérieure, le signalement de tout crime ou délit. Cette réserve d’interprétation
devrait également souligner que l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale n’est
pas applicable aux fonctionnaires qui signalent à la CNCTR des faits susceptibles de
constituer des infractions pénales.
Enfin, l’adjectif « manifeste » situé après « violation » doit être censuré en ce qu’il
nuit à l’intelligibilité de la disposition et risque de contribuer à la rendre inopérante en
créant une insécurité juridique pour les agents qui souhaiteraient faire un signalement
auprès de la CNCTR.
11.1.2. Aucune publicité n’est permise sur les abus liés à la surveillance secrète
La loi interdit formellement les divulgations publiques, même lorsque celles-ci seraient
conformes aux normes et standards internationaux en matière de liberté d’expression.
L’article 7 élargit en effet l’incrimination prévue à l’article L. 881-1 du code de la sécurité
intérieure (actuellement l’article L. 245-1 du même code) au fait de révéler non plus
seulement l’exécution d’une décision ou une opération d’interception, mais désormais
l’exécution de toute « technique de recueil de renseignement » ou la simple « existence de
la mise en œuvre de cette technique ». Ainsi, le fait de révéler à la presse ou de divulguer
publiquement par tout autre moyen l’existence d’abus ou même de crimes et délits dans
les activités de surveillance, alors même qu’une telle divulgation serait d’intérêt public
5. La Quadrature du Net, Projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes : Non à
la censure privée du Net, Lettre et proposition d’amendement aux sénateurs, 25 mars 2014. Disponible à l’adresse :https://www.laquadrature.net/files/PJL%20Egalite%20FH%20-%20analyse%
20art.%2017%20-%20LQDN.pdf.
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