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renseignements auprès de services étrangers – combinée aux très
faibles garanties qui entourent l’interception par les services français
de communications internationales – revient à autoriser les agences de
renseignement en Europe, dont les services français, à contourner les
contraintes légales prévues dans chaque Etat.
En effet, les agences d’un Etat donné peuvent ainsi collecter en masse,
dans un cadre juridique fort peu contraignant, des données concernant
la population d'États alliés. Et ce, pour ensuite les transmettre aux
autorités de ces Etats sans que celles-ci n’aient à respecter leurs
contraintes internes respectives. Le tout, réciproquement, puisqu’il
n’est guère difficile d’imaginer que l’Etat ayant ainsi partagé des
données concernant ses homologues puisse obtenir, en retour, des
données liées à sa propre population sans avoir à se soumettre aux
exigences de son propre ordre juridique.
Concrètement, le GCHQ britannique ou le BND allemand peuvent
ainsi collecter les communications de résidents français en vertu de
dispositions qui, dans leur droit national respectif, relèvent de la
surveillance des communications internationales, puis les transférer à
leurs homologues français de la DGSE, lesquels échappent alors à tout
encadrement et contrôle quant à l'utilisation de ces données.
XXVII-3.4 Partant, en privant les personnes concernées de tout
recours juridictionnel contre le recueil et l'exploitation par les services
français de renseignements transmis par des services étrangers, les
dispositions de l’article L. 833-2, 4°, du code de la sécurité intérieure
méconnaissent radicalement les exigences de l’article 47 de la Charte
des droits fondamentaux.
Là encore, si le Conseil d’Etat devait douter d’une telle conclusion, il
lui reviendrait nécessairement de soumettre à la Cour de justice de
l’Union européenne une question préjudicielle ainsi libellée :
« L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne doit-il être interprété comme autorisant une législation
nationale à priver les justiciables de toute voie de recours
juridictionnel pour contester la validité de la collecte et de
l'exploitation par les services de renseignements de l’Etat concerné de
données communiquées par les services d'un autre État, sans même

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