Le point sur la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’Homme en matière d’écoutes téléphoniques

droit », autrement dit qu’elle ne présentait pas les qualités requises, et ce
pour deux raisons : d’une part la jurisprudence développée sur la base du
texte très bref du code de procédure pénale n’avait pas explicitement
consacré les garanties nécessaires, ou encore était intervenue dans des domaines autres que celui des écoutes ; d’autre part et surtout, le système établi par la loi et la jurisprudence ne comportait pas diverses précisions
indispensables, notamment quant aux catégories de personnes susceptibles d’être mises sur écoute, à la nature des infractions permettant d’y recourir, à la durée de la mesure, à la sauvegarde des enregistrements, à leur
effacement ultérieur.
4 – L’arrêt Halford c. Royaume Uni de 1997 statue d’abord sur l’existence d’une « ingérence », au sens de l’article 8 de la Convention, dans un
cas où l’écoute a porté sur une conversation passée sur un téléphone de bureau. La réponse est affirmative, notamment parce que l’utilisatrice n’avait
pas été prévenue que ses appels étaient susceptibles d’être interceptés, et
que les interceptions tendaient à fournir à son employeur des informations
pour étayer sa défense dans une procédure intentée contre lui par Madame
Halford.
D’autre part, le téléphone de bureau en cause était connecté sur un réseau de télécommunications indépendant du réseau public, le seul auquel
s’appliquait la loi de 1985 sur les interceptions. L’ingérence n’était donc pas
« prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2, dès lors que le droit interne n’offrait aucune protection à Madame Halford. Il ne lui offrait, notamment, aucune possibilité de recours devant une instance nationale, et méconnaissait
donc aussi l’article 13 de la Convention.
5 – L’arrêt Kopp c. Suisse de 1998 est intervenu à propos de l’interception des communications téléphoniques d’un avocat. La loi suisse protège
la confidentialité des relations entre un avocat et ses clients. Mais toutes les
lignes téléphoniques du cabinet avaient été surveillées, et donc toutes les
conversations, quelles qu’elles soient, écoutées. Se posait alors un problème de qualité de la loi : si le secret professionnel couvre bien l’activité en
cause, la loi ne dit ni comment ni par qui doit s’opérer le tri entre ce qui relève de cette activité et ce qui lui est étranger, lacune d’autant plus fâcheuse
qu’elle touche aux droits de la défense. En tant qu’avocat, M. Kopp n’a donc
pas joui de la protection exigée par la « prééminence du droit » dans une société démocratique.
III – De la jurisprudence ainsi résumée, il se dégage que l’interception
téléphonique constitue toujours une ingérence de l’autorité publique dans
le droit au respect de la vie privée et de la correspondance. Une telle ingérence méconnaît l’article 8 § 2 sauf si des conditions de forme et de fond sont
réunies.
Il faut d’abord que la mesure soit « prévue par la loi », formule qui recouvre plusieurs exigences :
– d’abord, l’existence d’une loi, et aussi son accessibilité, condition qui apparemment, n’a jamais fait défaut dans les affaires jugées par la Cour ;

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