CNCIS – 9e rapport d'activité 2000
n’étaient organisées que par une circulaire, la « circulaire Debré » du
28 mars 1960, classée « très secret » et déclassée en 1992 afin d’être reproduite dans le premier rapport de la CNCIS.
En 1990, quand l’état du droit en France a été examiné et critiqué par
la CEDH, sa pensée avait eu l’occasion de s’affirmer et de s’affiner depuis assez longtemps, puisque la première décision en la matière date de 1978. Des
affaires nouvelles ont été jugées jusqu’à la fin du siècle, et le moment paraît
venu de présenter cette jurisprudence dans son ensemble.
II – La Cour a examiné une quinzaine de recours relatifs à des interceptions. Cinq de ses arrêts tranchent des questions de principe et appellent un
commentaire.
1 – L’arrêt Klass c. République Fédérale d’Allemagne, de 1978, pose
en principe que l’article 8 de la Convention européenne des droits de
l’Homme et des libertés fondamentales, lorsqu’il proclame dans son paragraphe 1 que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale,
de son domicile et de sa correspondance », englobe dans son champ d’application les conversations téléphoniques, même si elles n’y sont pas expressément mentionnées.
Quant au paragraphe 2 de l’article 8, il dispose que l’ingérence de l’autorité publique dans l’exercice de ce droit ne peut se justifier dans une société démocratique que lorsqu’elle est nécessaire, notamment à la sécurité
nationale, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales.
Mais la Cour souligne que l’autorité ne dispose pas pour autant d’une latitude illimitée, et qu’elle ne saurait « détruire la démocratie au motif de la défendre ». La Cour se livre donc à un examen détaillé de la situation de droit et
de fait afin de vérifier si la conciliation entre les impératifs de défense d’une
société démocratique et de sauvegarde des droits individuels est assurée.
Cette conciliation doit prendre en compte un danger d’arbitraire d’autant
plus net que le pouvoir de l’exécutif, en matière d’écoutes, s’exerce en secret.
des droits
Le point
de l’Homme
sur la jurisprudence
en matière d’écoutes
de la Cour
téléphoniques
européenne
2 – L’arrêt Malone c. Royaume Uni, de 1984, interprète la disposition
de l’article 8 § 2, de la convention selon laquelle les ingérences doivent être
« prévues par la loi ». Tout en confirmant une jurisprudence, afférente à un
autre article, selon laquelle la « loi » englobe à la fois le droit écrit et le droit
non écrit, la Cour juge particulièrement utile d’exiger, dans le domaine des
interceptions, comme dans d’autres cas où c’est la liberté d’expression qui
est en cause, que la loi soit suffisamment précise. La loi applicable au
Royaume Uni, datant de 1969, comportait des dispositions assez obscures
et sujettes à des analyses divergentes : la condition prévue par l’article 8 § 2
n’était donc pas remplie.
3 – Les décisions Huvig et Kruslin c. France de 1990 se situent, on l’a
dit, sur le même terrain, celui de la « qualité » de la loi. La Cour a admis que
les interceptions judiciaires avaient une base légale en droit français. Mais
elle a estimé que cette base n’était pas compatible avec la « prééminence du
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