Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme

62. La Cour conclut que l’ingérence ne saurait passer pour « prévue par la
loi » puisque le droit suisse n’indique pas avec assez de clarté l’étendue et
les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités dans le domaine considéré.
Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention en ce qui
concerne l’enregistrement de l’appel téléphonique reçu par le requérant le
12 octobre 1981 d’une personne de l’ambassade alors soviétique à Berne.
b) Finalité et nécessité de l’ingérence
63. Eu égard à la conclusion qui précède, la Cour n’estime pas nécessaire
d’examiner le respect des autres exigences du paragraphe 2 de l’article 8.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA
CONVENTION QUANT A L’ÉTABLISSEMENT D’UNE FICHE ET SA
CONSERVATION DANS LE FICHIER DE LA CONFÉDÉRATION
64. Le requérant se plaint de ce que l’établissement d’une fiche le concernant à la suite de l’interception de l’appel téléphonique reçu d’une personne
de l’ambassade alors soviétique à Berne, et sa conservation dans le fichier de
la Confédération, ont entraîné une violation de l’article 8 de la Convention.
A. Applicabilité de l’article 8
65. La Cour rappelle que la mémorisation de données relatives à la « vie
privée » d’un individu entre dans le champ d’application de l’article 8 § 1
(arrêt Leander c. Suède).
À cet égard, elle souligne que le terme « vie privée » ne doit pas être interprété de façon restrictive. En particulier, le respect de la vie privée englobe le
droit pour l’individu de nouer et développer des relations avec ses semblables ; de surcroît, aucune raison de principe ne permet d’exclure les activités
professionnelles ou commerciales de la notion de « vie privée » (arrêt Niemietz c. Allemagne).
Cette interprétation extensive concorde avec celle de la Convention élaborée au sein du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à
l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du
28 janvier 1981, entrée en vigueur le 1er octobre 1985, dont le but est « de garantir, sur le territoire de chaque partie, à toute personne physique (...) le respect de ses droits et libertés fondamentaux, et notamment de son droit à la
vie privée, à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel la concernant » (article 1), ces dernières étant définies comme « toute
information concernant une personne physique identifiée ou identifiable »
(article 2).
66. En l’espèce, la Cour relève qu’une fiche a été établie concernant le requérant, sur laquelle il a été indiqué que ce dernier était un « contact auprès
de l’ambassade russe » et faisait « du commerce de différentes sortes avec la
société [A.] » (voir les paragraphes 15 et 18 ci-dessus).

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