Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme

2. Justification de l’ingérence
46. Pareille ingérence méconnaît l’article 8 sauf si, « prévue par la loi », elle
poursuit un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et, de surcroît,
est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre ces derniers.
a) L’ingérence était-elle « prévue par la loi » ?
47. D’après le requérant, la base en droit suisse fait défaut. En particulier, il
affirme que la mesure litigieuse ne peut pas se fonder sur les articles 66 à 72
PPF, le Gouvernement n’ayant produit aucun élément susceptible de prouver qu’une poursuite pénale avait été ouverte contre un tiers ou que les autorités s’étaient conformées à la procédure fixée par ces dispositions. À cet
égard, il souligne que l’allégation du Gouvernement selon laquelle les documents ne seraient plus disponibles n’est pas crédible.
En effet, il ressort du rapport de la commission d’enquête parlementaire en
charge d’instruire l’affaire dite des fiches qu’il existe des listes relatives aux
écoutes téléphoniques ordonnées par le ministère public qui sont exécutées
par les PTT ; par ailleurs, la chambre d’accusation du Tribunal fédéral possède les registres dans lesquels sont consignées les autorisations délivrées
par son président ; de surcroît, le Gouvernement ne peut prétendre qu’un
employé de l’ambassade alors soviétique à Berne était surveillé que s’il dispose de documents pour étayer cette affirmation ; enfin, le fait que l’enregistrement n’a pas été détruit « à l’issue de la procédure » (article 66 § 1 ter
PPF) démontre qu’il n’y avait pas d’instruction au sens des articles 66 et suivants PPF.
Le requérant exprime l’avis que l’ensemble des lignes téléphoniques de
l’ambassade alors soviétique à Berne étaient écoutées de façon systématique, en dehors de tout soupçon concret contre une personne déterminée et
d’une procédure judiciaire conforme à la loi. Selon lui, cette présomption est
confirmée par le fait qu’au cours de la procédure devant les autorités suisses,
celles-ci ont expressément mentionné les termes « informations de
contre-espionnage ». En outre, les enquêtes de la commission d’enquête
parlementaire en charge d’instruire l’affaire dite des fiches ont démontré
que les organes de la police fédérale avaient surveillé les citoyennes et citoyens pendant des décennies sans autorisation de la part d’un tribunal. Or
l’article 17 § 3 PPF ne saurait fonder de tels procédés de la police politique.
Quant à l’arrêté du Conseil fédéral du 29 avril 1958 concernant le Service de
police du ministère public fédéral, le requérant souligne que ce texte
contient des dispositions purement organisationnelles relatives aux différents offices du Département fédéral de justice et de police et ne donne aucunement pouvoir à ces derniers de s’ingérer dans des droits et libertés
protégés par la Convention ; il ne peut dès lors être considéré comme une
base légale adéquate. Au demeurant, le requérant considère que ce texte
n’est pas suffisamment précis et accessible pour satisfaire à l’exigence de
« prévisibilité » telle que définie par la jurisprudence de la Cour.

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