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B. L'APPLICATION DU CADRE LÉGAL DE 2015 : UN DÉFI ET UNE
CHANCE POUR LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT
1. Un cadre juridique qui protège l’action des agents des services de
renseignement
La loi du 24 juillet 2015 est aujourd’hui vécue comme un réel atout par les
services de renseignement, qui ont tous insisté sur le changement de paradigme
que son adoption avait entraîné. Elle a considérablement sécurisé l’action des
agents des services de renseignement.
En effet, l’absence d’un corpus juridique encadrant l’activité des services
de renseignement exposait la France à méconnaître les stipulations de la
Convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentales
(CEDH). Déjà, la loi de 1991 relative aux interceptions de sécurité avait répondu à
la condamnation de la France par l’arrêt Kruslin (1) pour non-respect de l’article 8
de la CEDH sur le droit au respect de la vie privée et familiale, appliquant à notre
pays la jurisprudence que la Cour avait déjà énoncée depuis la fin des années
1970, s’agissant du champ des atteintes portées au respect de la vie privée en
matière d’écoutes téléphoniques, à l’occasion des arrêts Klass (2) et Malone (3).
Ce cadre juridique morcelé, composé de « rustines » empiriquement
posées pour reprendre l’expression du rapporteur du projet de loi relatif au
renseignement, constituait également un risque pour les fonctionnaires de ces
services qui, hors les techniques reconnues par la loi, étaient dans une situation qui
les exposaient.
(4)
Comme le soulignait l’ancien président de la commission des Lois, JeanJacques Urvoas « ces services ne doivent pas être considérés comme " spéciaux "
ou " secrets ". Certes la presse les qualifie souvent ainsi sans doute parce qu’ils
perdent en précision ce qu’ils gagnent en capacité à susciter immédiatement un
certain mystère. Mais la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ou la
direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ne sont pas des institutions
secrètes : les sites internet de leurs ministères respectifs leur dédient des espaces,
leurs directeurs généraux publient parfois des entrevues ou des tribunes. Les
services ne sont pas plus spéciaux, sauf peut-être en raison d’un rattachement
fonctionnel à l’autorité politique quelque peu original lié à une architecture
(1) CEDH, Kruslin contre France, 24 avril 1990, cf. deuxième partie du rapport.
(2) CEDH, Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978.
(3) CEDH, Malone c. Royaume-Uni, 26 avril 1985.
(4 ) Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des
communications électroniques ; loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et
portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ; loi n° 2013-1168 du 18
décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses
dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ; loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative
à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme ; loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les
dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.