Conseil d'État, Assemblée, 21/04/2021, 393099, P...
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intérêts fondamentaux de la Nation, de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions pénales et de
lutte contre le terrorisme. Il ressort en effet de l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que la garantie
des droits de l'homme et du citoyen, sans laquelle une société n'a point de constitution selon l'article 16 de la même Déclaration,
nécessite une force publique. La sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la prévention des atteintes à l'ordre public,
notamment celle des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, la lutte contre le terrorisme, ainsi que la recherche des auteurs
d'infractions pénales constituent des objectifs de valeur constitutionnelle, nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de
même valeur, qui doivent être conciliés avec l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la
liberté individuelle, la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée.
10. Selon le paragraphe 2 de l'article 4 du traité sur l'Union européenne, il appartient à l'Union, y compris à la Cour de justice de l'Union
européenne, de respecter l'identité nationale des Etats membres, " inhérente à leurs structures fondamentales politiques et
constitutionnelles ", ainsi que " les fonctions essentielles de l'Etat, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité
territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale ", cette dernière restant " de la seule responsabilité des
Etats membres ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute
limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel
desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont
nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et
libertés d'autrui ". Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les objectifs de protection
de la sécurité nationale et de lutte contre la criminalité grave, qui contribuent à la protection des droits et des libertés d'autrui, sont au
nombre des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union, comme tels susceptibles de justifier des limitations aux droits garantis par
la Charte en vertu de son article 52, et, d'autre part, que si l'article 6 de la Charte, qui garantit le droit à la sûreté, ne saurait être
interprété comme imposant aux pouvoirs publics une obligation d'adopter des mesures spécifiques en vue de réprimer des infractions
pénales, il découle de ses articles 3, 4 et 7, qui garantissent le droit au respect de l'intégrité de la personne, l'interdiction de la torture et
des peines et traitements inhumains ou dégradants et le respect de la vie privée et familiale, des obligations positives à la charge de
l'Etat, incluant la mise en place de règles permettant une lutte effective contre certaines infractions pénales. Toutefois, les exigences
constitutionnelles mentionnées au point 9, qui s'appliquent à des domaines relevant exclusivement ou essentiellement de la
compétence des Etats membres en vertu des traités constitutifs de l'Union, ne sauraient être regardées comme bénéficiant, en droit de
l'Union, d'une protection équivalente à celle que garantit la Constitution.
En ce qui concerne l'office du juge dans le contentieux du refus d'abroger un acte réglementaire :
11. L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que, réserve
faite des vices de forme et de procédure dont il serait entaché, ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que
l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.
12. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le
juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente,
de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il
s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de
pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à
la date de sa décision.
En ce qui concerne les questions soulevées par les requêtes :
13. Les associations et sociétés requérantes contestent la conformité au droit de l'Union européenne de deux séries de dispositions. La
première d'entre elles concerne l'article R. 10-13 du code des postes et des communications électroniques et le décret du 25 février
2011, pris respectivement pour l'application de l'article L. 34-1 du même code et de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004. Ces dispositions
imposent aux opérateurs de communications électroniques, aux fournisseurs d'accès à internet et aux hébergeurs de conserver, pour
une durée d'un an, l'ensemble des données de trafic et de localisation de leurs utilisateurs, lesquelles ne couvrent pas le contenu des
communications, les données relatives à leur identité civile, ainsi que certaines informations relatives à leurs comptes et, le cas
échéant, aux paiements qu'ils effectuent en ligne pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions
pénales et la sauvegarde de la sécurité nationale. La seconde série de dispositions concerne les décrets du 28 septembre 2015, du 11
décembre 2015 et du 29 janvier 2016, pris pour l'application du livre VIII de la partie législative du code de la sécurité intérieure relatif
au renseignement. Sont en particulier en cause les techniques de renseignement mentionnées aux articles L. 851-1 à L. 851-4 de ce
code. Il y a lieu d'analyser successivement aux II et III de la présente décision la compatibilité au droit de l'Union européenne de
chacune de ces séries de dispositions.
II. Sur la conservation générale et indifférenciée des données de connexion :
En ce qui concerne le cadre juridique national :
14. Le II de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques fait obligation aux opérateurs de services de
communications électroniques, notamment aux personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au
public en ligne, d'effacer ou de rendre anonyme toute donnée relative au trafic, sous réserve des dispositions des III, IV, V et VI du
même article. Les données relatives au trafic au sens de ces dispositions sont définies par le 18° de l'article L. 32 du même code
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