Conseil d'État, Assemblée, 21/04/2021, 393099, P...
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l'article 4 du traité sur l'Union européenne : " En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et
s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités. / Les États membres prennent toute mesure
générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de
l'Union. / Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de
mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union ". La seconde phrase du paragraphe 1 de l'article 19 du même traité assigne à la
Cour de justice de l'Union européenne la mission d'assurer " le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités ".
4. Le respect du droit de l'Union constitue une obligation tant en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution. Il emporte l'obligation de transposer les
directives et d'adapter le droit interne aux règlements européens. En vertu des principes de primauté, d'unité et d'effectivité issus des
traités, tels qu'ils ont été interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, le juge national, chargé d'appliquer les dispositions et
principes généraux du droit de l'Union, a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée toute disposition
contraire, qu'elle résulte d'un engagement international de la France, d'une loi ou d'un acte administratif.
5. Toutefois, tout en consacrant l'existence d'un ordre juridique de l'Union européenne intégré à l'ordre juridique interne, dans les
conditions mentionnées au point précédent, l'article 88-1 confirme la place de la Constitution au sommet de ce dernier. Il appartient au
juge administratif, s'il y a lieu, de retenir de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a donnée des obligations
résultant du droit de l'Union la lecture la plus conforme aux exigences constitutionnelles autres que celles qui découlent de l'article
88-1, dans la mesure où les énonciations des arrêts de la Cour le permettent. Dans le cas où l'application d'une directive ou d'un
règlement européen, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, aurait pour effet de priver de garanties effectives
l'une de ces exigences constitutionnelles, qui ne bénéficierait pas, en droit de l'Union, d'une protection équivalente, le juge administratif,
saisi d'un moyen en ce sens, doit l'écarter dans la stricte mesure où le respect de la Constitution l'exige.
6. Il en résulte, d'une part, que, dans le cadre du contrôle de la légalité et de la constitutionnalité des actes réglementaires assurant
directement la transposition d'une directive européenne ou l'adaptation du droit interne à un règlement et dont le contenu découle
nécessairement des obligations prévues par la directive ou le règlement, il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen tiré de la
méconnaissance d'une disposition ou d'un principe de valeur constitutionnelle, de rechercher s'il existe une règle ou un principe
général du droit de l'Union européenne qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu'il est interprété en l'état actuel de la
jurisprudence du juge de l'Union, garantit par son application l'effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel
invoqué. Dans l'affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s'assurer de la constitutionnalité de l'acte réglementaire
contesté, de rechercher si la directive que cet acte transpose ou le règlement auquel cet acte adapte le droit interne est conforme à
cette règle ou à ce principe général du droit de l'Union. Il lui revient, en l'absence de difficulté sérieuse, d'écarter le moyen invoqué, ou,
dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, dans les conditions prévues par
l'article 167 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En revanche, s'il n'existe pas de règle ou de principe général du
droit de l'Union garantissant l'effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué, il revient au juge
administratif d'examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées.
7. D'autre part, lorsqu'il est saisi d'un recours contre un acte administratif relevant du champ d'application du droit de l'Union et qu'est
invoqué devant lui le moyen tiré de ce que cet acte, ou les dispositions législatives qui en constituent la base légale ou pour
l'application desquelles il a été pris, sont contraires à une directive ou un règlement européen, il appartient au juge administratif, après
avoir saisi le cas échéant la Cour de justice d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation ou la validité de la disposition du
droit de l'Union invoquée, d'écarter ce moyen ou d'annuler l'acte attaqué, selon le cas. Toutefois, s'il est saisi par le défendeur d'un
moyen, assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé, tiré de ce qu'une règle de droit national, alors même qu'elle
est contraire à la disposition du droit de l'Union européenne invoquée dans le litige, ne saurait être écartée sans priver de garanties
effectives une exigence constitutionnelle, il appartient au juge administratif de rechercher s'il existe une règle ou un principe général du
droit de l'Union européenne qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu'il est interprété en l'état actuel de la jurisprudence du juge
de l'Union, garantit par son application l'effectivité de l'exigence constitutionnelle invoquée. Dans l'affirmative, il lui revient, en l'absence
de difficulté sérieuse justifiant une question préjudicielle à la Cour de justice, d'écarter cette argumentation avant de faire droit au
moyen du requérant, le cas échéant. Si, à l'inverse, une telle disposition ou un tel principe général du droit de l'Union n'existe pas ou
que la portée qui lui est reconnue dans l'ordre juridique européen n'est pas équivalente à celle que la Constitution garantit, il revient au
juge administratif d'examiner si, en écartant la règle de droit national au motif de sa contrariété avec le droit de l'Union européenne, il
priverait de garanties effectives l'exigence constitutionnelle dont le défendeur se prévaut et, le cas échéant, d'écarter le moyen dont le
requérant l'a saisi.
8. En revanche, et contrairement à ce que soutient le Premier ministre, il n'appartient pas au juge administratif de s'assurer du respect,
par le droit dérivé de l'Union européenne ou par la Cour de justice elle-même, de la répartition des compétences entre l'Union
européenne et les Etats membres. Il ne saurait ainsi exercer un contrôle sur la conformité au droit de l'Union des décisions de la Cour
de justice et, notamment, priver de telles décisions de la force obligatoire dont elles sont revêtues, rappelée par l'article 91 de son
règlement de procédure, au motif que celle-ci aurait excédé sa compétence en conférant à un principe ou à un acte du droit de l'Union
une portée excédant le champ d'application prévu par les traités.
En ce qui concerne les exigences constitutionnelles invoquées en défense par l'Etat :
9. Il est soutenu en défense que les dispositions du droit national contestées au motif qu'elles seraient contraires au droit de l'Union
européenne ne sauraient être écartées sans priver de garanties effectives les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde des
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