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8. La spécialisation de la formation du jugement du Conseil d’État
chargée du contentieux de la mise en œuvre des techniques de recueil
de renseignement (articles 1er et 4)

Sur proposition de votre rapporteur et après un avis de sagesse du
Gouvernement, la commission des Lois a considéré qu’il était opportun de
renvoyer l’ensemble du contentieux de la mise en œuvre des techniques de recueil
de renseignement à une formation spécialisée du Conseil d’État, composée de trois
membres seulement.
Deux raisons principales motivent ce choix :
– d’une part, l’absence de tout critère permettant de connaître les motifs
pour lesquels une requête devrait être renvoyée à la section du contentieux ou à
l’assemblée du Conseil d’État ;
– d’autre part, la nécessité de circonscrire le nombre de membres du
Conseil d’État susceptibles d’être habilités ès-qualités au secret de la défense
nationale par l’effet de la loi. Car l’innovation est majeure et mérite d’être
soulignée : pour la première fois, un magistrat accèdera au secret de la défense
nationale dans l’exercice de ses fonctions alors que, d’ordinaire, il doit solliciter
une déclassification sans certitude d’être exaucé.
Rappelons en effet que tout l’intérêt de cette nouvelle procédure de
recours est de permettre au justiciable qui s’estimerait irrégulièrement contrôlé par
les services de renseignement de saisir directement un juge qui pourra avoir accès
à toutes les pièces du dossier, y compris à celles classifiées au titre du secret de la
défense nationale, pour exercer un contrôle effectif.
Or, si cette garantie nouvelle constitue une avancée certaine par rapport au
droit en vigueur, une habilitation ès-qualités générale de l’ensemble des membres
du Conseil d’État qui n’auraient vocation qu’à siéger exceptionnellement, en
section du contentieux ou en assemblée générale, sur de tels recours, est apparue
disproportionnée aux yeux de votre Commission.
La commission de la Défense et des forces armées, qui partage ce point de
vue, a, pour sa part, proposé un amendement visant à créer une formation de
jugement spécialisée de trois membres ainsi qu’un autre amendement visant à
supprimer toute habilitation ès-qualités des membres et du rapporteur public du
Conseil d’État. Cette proposition a finalement été écartée par la commission des
Lois, le ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, faisant utilement
remarquer qu’une habilitation individuelle des membres du Conseil d’État dans les
conditions de droit commun aurait nécessairement pour effet de contrevenir au
principe d’indépendance des juges, puisqu’ils pourraient ainsi être choisis par le
pouvoir exécutif.

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