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S’agissant de la politique étrangère, la Commission a préféré retenir la
formulation : « les intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de
toute forme d’ingérence étrangère ». Cette mention, proposée par votre rapporteur,
précise que les intérêts de la politique étrangère qui constituent une finalité de
l’action des services de renseignement, sont « majeurs » et non pas « essentiels »,
cette dernière notion paraissant trop restrictive et ne permettant pas de prendre en
compte l’apport des services à vocation extérieure dans la politique diplomatique
française. Faut-il de surcroit rappeler que la plupart des législations de nos voisins,
comme le Royaume-Uni, l’Espagne ou la Belgique, intègrent (et dans des
formulations souvent moins délimités que celles du projet de loi) les intérêts de la
politique étrangère au rang des finalités légitimant le recours aux techniques du
renseignement ? Aux États-Unis par exemple, dès 1995 dans un rapport intitulé
A National Security Strategy of Engagement and Enlargement, la Maison Blanche
exposait en détail ce qu’elle attendait des services de renseignement américains en
ce qui concerne la protection des intérêts économiques américains. Afin de bien
prévenir les dangers qui pèsent sur la démocratie et sur le « bien-être
économique » des États-Unis, elle incitait l’appareil du renseignement à suivre
l’évolution de la situation politique, économique, sociale et militaire dans les
parties du monde où les intérêts américains étaient le plus engagés. Et depuis
2004, le département du Trésor dispose d’un service de renseignement dédié :
l’Office of Intelligence and Analysis.
En outre, la lutte contre l’espionnage doit demeurer une priorité. La
Commission a également prévu une finalité spécifique relative à « la prévention de
la prolifération des armes de destruction massive », qui met en lumière que seuls
les services de renseignement sont compétents pour détecter les réseaux criminels
et les stratégies hostiles d’États cherchant à utiliser ces armes de destruction
massive à l’occasion de conflits ou d’attentats terroristes.
Enfin, la rédaction : « les intérêts économiques, industriels et scientifiques
majeurs de la France » a été retenue, abandonnant la référence à des intérêts
« essentiels » afin de souligner que les intérêts industriels de la France méritent
une attention particulière. Car si le texte du Gouvernement reprend la formule de
la loi de 1991 relative aux interceptions de sécurité, cette énumération avait été
complétée dès 1992 pour tenir compte des intérêts industriels. Il convenait
d’écarter tout risque de raisonnement a contrario.
Votre rapporteur souhaite que ces changements apportent les
éclaircissements réclamés par plusieurs organisations auditionnées. Il y aurait
d’ailleurs un paradoxe après avoir critiqué certains critères au nom de leur
dimension « extensive et imprécise » de reprocher aux amendements adoptés
« d’élargir » les finalités alors qu’en réalité ils les resserrent en les précisant !