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des autres grandes démocraties92 [proposition n° 20]. Pareil exercice permettrait
ainsi de circonscrire le champ des « opérations en cours » telles que citées par le
Conseil constitutionnel dans sa décision précitée de décembre 2001.
D. ENVISAGER DES VOIES DE RECOURS EFFECTIVES POUR LE CITOYEN

En raison de l’accroissement notable des capacités d’enquête des services
de renseignement et du caractère potentiellement intrusif de certaines de leurs
techniques, les conditions du contrôle opéré sont déterminantes. Le présent rapport
y a beaucoup insisté. Mais cela ne suffit pas. La DPR estime également nécessaire
de prévoir des voies de recours effectives pour le citoyen qui s’estimerait victime
de pratiques illégales ou disproportionnées. La jurisprudence du Conseil
constitutionnel ou de la CEDH invite d’ailleurs à cette réflexion, notamment en ce
qui concerne la pénétration domiciliaire (seul sujet sur lequel les deux instances ont
eu l’occasion de se prononcer en ce domaine très spécifique93).
La Délégation parlementaire au renseignement suggère donc au
Gouvernement de s’inspirer des pratiques en cours à l’Autorité des Marchés
Financiers (AMF), à Hadopi ou à l’Autorité de la Concurrence. Ces trois AAI
disposent en effet d’une formation spécialisée chargée d’instruire des cas
individuels voire même de prononcer des sanctions. Au surplus, toutes leurs
décisions sont naturellement susceptibles d’un appel devant les juridictions
habituelles.
Aujourd’hui, la CNCIS peut être saisie par « toute personne y ayant un
intérêt direct et personnel » (article L. 243-9 du CSI) ; à l’avenir, un second collège
placé au sein de la CNCIS mais jouissant de toutes les garanties d’indépendance
pourrait recevoir des réclamations individuelles, les instruire grâce à l’aide d’un
service d’appui et délibérer afin d’ordonner au Gouvernement d’interrompre la
mise en œuvre d’une technique de recueil du renseignement qui ne respecterait pas
la loi. La décision de cette formation serait bien évidemment susceptible d’un
recours devant le Conseil d’État. Grâce à ce système, des voies de recours
effectives existeraient et pourraient être actionnées par tout citoyen [proposition
n° 21].

92

Se reporter en ce sens au très intéressant article du général Champtiaux, ancien directeur des opérations de la
DGSE puis directeur de cabinet du directeur général : « Opérations spéciales et actions clandestines », in
L’ENA hors les murs, juin 2014, n° 442.
93
Dans le commentaire de la décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, le Conseil constitutionnel a
abordé la question de l’inviolabilité du domicile, rompant pour la deuxième fois sans nuance avec la position
qu’il avait exprimée dans trois décisions de 1983, 1984 et 1990 : « les décisions du Conseil constitutionnel
sur l’inviolabilité du domicile reposent, pour celles antérieures à 1999, sur un fondement constitutionnel qui
n’est plus celui retenu aujourd’hui ». De manière limpide, l’inviolabilité du domicile, composante du respect
de la vie privée, relève de l’article 2 de la DDHC. Il a d’ailleurs réitéré cette position quelques jours plus
tard dans le considérant 70 de la décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, puis dans la Décision n°
2014-693 DC du 25 mars 2014, considérant 10 (lequel évoque également le secret des correspondances).

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