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une structure parlementaire n’avait pour vocation que de produire une analyse à la
seule destination du pouvoir exécutif.
Le chapitre 3 porte sur le renseignement économique et financier. Là
encore, ce choix se veut symbolique. Historiquement, la recherche de
renseignements concerna d’abord des objectifs militaires : il s’agissait de percer
l’ordre de bataille d’adversaires potentiels et de le tenir constamment à jour. C’est
d’ailleurs ce qui explique que le premier de nos services, la DGSE, est toujours
imprégné de cette culture de la guerre que l’on retrouve aussi dans les deux autres
services placés sous l’autorité du ministre de la Défense (la Direction du
Renseignement Militaire et la Direction de la Protection et de la Sécurité de la
Défense). Mais aujourd’hui, leur mission est plus vaste puisque c’est l’État et ses
citoyens qu’ils doivent protéger. Et s’il est un domaine où les services jouent
pleinement leur rôle au service de la collectivité, c’est bien celui de la lutte contre
l’économie souterraine, illégale et parfois mafieuse, et de la finance criminelle4.
Nos impératifs de sécurité nationale s’étendent non seulement à la défense du
territoire, de la population et des ressources nationales, mais aussi à la préservation
des capacités économiques de la Nation. L’interdépendance et la concurrence
économiques à l’échelle mondiale se sont accrues et se révèlent des sources
importantes de tensions et de conflits possibles entre les États. Et de ce fait,
l’information s’avère désormais une condition essentielle de la compétitivité.
L’action des services - et pas seulement ceux du ministère de l’économie et des
finances (Tracfin et la Direction nationale du renseignement et des enquêtes
douanières) - comporte donc une orientation de plus en plus économique que la
DPR a souhaité examiner. Elle en retire d’ailleurs la profonde conviction que
l’organisation en la matière reste très perfectible et nécessite une orientation
politique assumée.
Comme elle l’avait fait dans son rapport de 2013 – ce qui constitue donc
l’un des rares éléments de continuité –, la DPR, dans son chapitre 4, poursuit ses
réflexions sur « l’amélioration du dispositif juridique d’encadrement et de contrôle
des services afin que, solide et bien accepté par nos concitoyens, il contribue à
accroître la confiance de ceux-ci dans l’action des services de renseignement ». En
effet, dans l’imagerie d’Epinal hexagonale, le renseignement renvoie à de noirs
desseins et à une logique non démocratique et non républicaine. Comme le note
Yannick Pech, « les vocables qui y sont associés sont bien souvent ceux d’indic, de
délateur, de barbouze et ont trait à des traumatismes enracinés dans la culture
historique nationale. Ces références renvoient presque systématiquement à des
images négatives, mélanges d’éléments de culture policière et militaire dans leur
dimension coercitive et intrusive5 ». Plus prosaïquement, pour la DPR, les services
appartiennent à la sphère administrative. N’est-ce pas M. Michel Rocard, alors
Premier ministre qui reconnaissait que « le renseignement est l’un des
4
5
M. Claude Silberzahn, Au cœur du secret, Paris, Fayard, 1995, p. 177.
Yannick Pech, « Le poids des dispositifs et cultures de renseignement dans la formulation de la politique
étrangère. Approche comparée des cas américains et français », Stratégique, janvier 2014, p. 108.