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la procédure. De plus, les sanctions sont adaptées au préjudice subi par la victime et
aux avantages indûment retirés par l’auteur. Enfin, existe la possibilité de
procédures confidentielles là où les contentieux sont trop souvent détournés de leur
finalité réelle et exploités à des fins déloyales.
D’ailleurs, dans son avis du 31 mars 2011 sur un projet de loi relatif au
secret des affaires, le Conseil d’État exhortait le Gouvernement à envisager
l’adoption d’un cadre civil, à l’instar des préconisations formulées par notre ancien
collègue M. Bernard Carayon dans un rapport de 2003 consacré à la question de
l’Intelligence économique49. À ce sujet, la DPR ne peut que déplorer que sa
proposition de loi50, n’ait pas conservé la même optique et n’ait envisagé que la
seule voie pénale51. Et de fait, voté en première lecture à l’Assemblée nationale le
11 janvier 2012, le texte comporte de trop nombreuses failles pour qu’ait pu être
envisagée la poursuite du processus législatif. En effet, il ne vise que la révélation
d’un secret des affaires, ce qui s’avère pour le moins restrictif. De surcroît, il
s’inspire très largement du secret de la défense nationale et induit par conséquent
des lourdeurs et des rigidités qui n’auraient pas manqué de le disqualifier aux yeux
des acteurs du monde économique et auraient défavorisé (notamment lors d’un
contentieux) les PME-PMI ou ETI incapables de consacrer les moyens humains,
financiers et techniques nécessaires pour assurer une classification telle que prévue.
Le dispositif envisagé pose également des difficultés en matière de liberté syndicale
et de liberté de la presse. Enfin, en proposant d’abroger la loi n° 68-678 du
26 juillet 1968, il dépossède les entreprises d’un outil précieux pour faire obstacle à
certaines procédures internationales déloyales (cf. infra).
C’est aux fins de prendre en compte l’ensemble de ces considérations,
qu’une proposition de loi relative à la protection du secret des affaires a été déposée
le 16 juillet 201452. Son inscription à l’ordre du jour et son adoption apporteraient
les outils nécessaires pour faire face aux stratégies juridiques précédemment
évoquées [proposition n° 1].
Concrètement, elle a pour objectif de créer, au sein du livre premier du
code de commerce, un Titre V intitulé « Du secret des affaires » et composé de
neuf articles (L.151-1 à L.151-9). Pareil positionnement souligne le fait que le sujet
49
Proposition n° 18 in Bernard Carayon, Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale, Paris, La
Documentation française, 2003, p. 47.
50
M. Bernard Carayon, proposition de loi n°3985 visant à sanctionner la violation du secret des affaires,
22 novembre 2011.
51
À la suite de la publication du rapport Carayon en 2003, le Haut responsable à l’Intelligence économique,
Alain Juillet, demanda en 2006 à Claude Mathon, avocat général à la Cour de Cassation, de rédiger un
rapport sur le secret des affaires. Le haut magistrat constitua un groupe de travail composé de Jean-Benoît
Busnel, Corinne Champagner-Katz, Didier Julienne et Pierre Lodde, groupe qui produisit un rapport remis
le 17 avril 2009. Le Gouvernement Fillon réfléchit en conséquence à un projet de loi transmis pour avis au
Conseil d’État au début de l’année 2011. Par la suite, le texte fut repris par Bernard Carayon qui déposa la
proposition de loi précitée.
52
MM. Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas, proposition de loi relative au secret des affaires, 16 juillet 2014,
doc. AN n° 2139.