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monétaire et financier ainsi que L. 5-6 du code des postes et télécommunications47.
Elle est aussi régulièrement évoquée dans la jurisprudence du Tribunal de première
instance de l’Union européenne ou de la Cour de cassation, mais également du
Conseil d’État48. Ces références multiples à une notion non définie conduisent à
une approche fractionnée, impropre à garantir une protection efficace des
entreprises françaises.
En outre, les dispositions législatives mobilisées de lege lata apparaissent
tout aussi lacunaires pour faire sanctionner la violation du secret des affaires. Sans
prétendre à l’exhaustivité, on peut citer les délits d’atteinte au secret professionnel
(article 226-13 du code pénal), d’escroquerie (article. 313-1), d’atteinte au secret
des correspondances (article 226-15), de vol (article 311-1), d’abus de confiance
(article 314-1), de recel (articles 321-1 et suivants), d’intrusion dans les systèmes
informatisés de données (article 323-1) ou d’entrave au fonctionnement de ceux-ci
(article 323-2), d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (articles 411-6 et
suivants), de révélation par un directeur ou un salarié d’un secret de fabrique
(articles L. 1227-1 du code du travail et L. 621-1 du code de la propriété
intellectuelle), de violation des droits de propriétaires de dessins et modèles
(L. 521-1) ou des titulaires des brevets (L. 615-1 et suivants).
En l’espèce, ces dispositions présentent des carences aisément exploitables
par les contrevenants : par exemple, la définition du vol ne prend guère en
considération les biens immatériels, le délit de révélation d’un secret de fabrique ne
concerne que les salariés de l’entreprise, le secret professionnel ne s’applique lui
aussi qu’à un nombre restreint de personnes… et nombreux sont les dossiers
judiciaires qui n’ont pu aboutir en raison d’un problème d’incrimination (il suffira
de se remémorer l’exemple de l’entreprise Michelin en 2010).
Au surplus, l’importance du cadre jurisprudentiel ne crée pas les conditions
d’une réelle sécurité juridique, d’une uniformité d’application et d’une prévisibilité
de la loi. Pis, elle pose un problème d’accessibilité de la norme et induit une rupture
d’égalité dans la mesure où tous les acteurs du monde économique n’ont pas les
moyens de s’offrir la même qualité de conseil juridique, ce qui laisse place à des
stratégies d’intelligence juridique asymétriques ayant pour but d’exploiter la
faiblesse de certains.
Enfin, les dispositions existantes laissent la voie civile dans une relative
déshérence alors même que les entreprises la recherchent en raison de sa souplesse.
En effet, c’est le plaignant qui contrôle notamment le déclenchement et le suivi de
47

On pourrait au surplus citer la notion de secret industriel et commercial évoquée dans la loi du 17 juillet 1978
instituant la commission d'accès aux documents administratifs. Les travaux de cette dernière ont d’ailleurs
contribué à quelque peu clarifier la notion (sur ce point, se rapporter au Rapport public du Conseil d’État
1995, La transparence et le secret, Paris, La Documentation française, 1996, p. 104).
48
Voir par exemple Union nationale des services publics industriels et commerciaux et autres, Assemblée,
5 mars 2003, A, M. Denoix de Saint Marc, pdt., M. Chantepy, rapp. ; M. Piveteau, c. du g., 233372 ; ou
encore Conseil d’État, 9 mai 2001, n°231320, Société Chef France SA.

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