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sur les lois de sanctions économiques contre des pays (Cuba, Iran, Libye, Soudan,
Syrie…).
Dans les faits, une entreprise (dans 90 % des cas, il s’agit d’entreprises
étrangères, dont certains grands groupes français à l’image de la récente affaire
impliquant la BNP-Paribas) se voit incriminée par le Department of justice (DOJ)
pour infraction à la loi états-unienne. Cela permet à l’administration d’agiter le
spectre de lourdes amendes et de condamnations pénales pour les membres
dirigeants de l’entreprise. Pour autant, en dépit de la « lourdeur » des fautes
reprochées, elle propose opportunément une transaction avec les autorités
administratives compétentes (à l’image de la Securities and exchanges commission,
ou de l’Office of foreign asset control). L’entreprise doit alors reconnaître sa
culpabilité et négocie le montant de l’amende infligée. En contrepartie, le DOJ
renonce aux poursuites pour une période de trois ans, période pendant laquelle
l’entreprise doit faire preuve d’un comportement exemplaire.
Pour prouver sa bonne foi, et là réside le principal problème, elle doit
accepter la mise en place d’un moniteur en son sein, moniteur qu’elle choisit mais
dont la désignation définitive est soumise à l’approbation des États-Unis. Le
moniteur aura accès à l’intégralité des informations de l’entreprise afin de rédiger
un rapport annuel extrêmement détaillé. Or, grâce au Foreign intelligence
surveillance act, les services de renseignement américains peuvent solliciter toute
information nécessaire, y compris les rapports de monitorat. De telle sorte que la
communauté du renseignement états-unienne, fort impliquée dans la vie
économique du pays (à titre d’exemple, la CIA a créé et gère le fonds
d’investissement
IN-Q-Tel),
dispose
potentiellement
d’informations
concurrentielles précieuses.
Pour se prémunir contre ces ingérences légales, il est devenu impératif de
disposer d’une législation nationale protégeant le secret des affaires conformément
aux préconisations de l’article 39 du traité ADPIC issu la convention de Marrakech
de 1994 qui a institué l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Aux ÉtatsUnis, le Cohen act de 1996 répond à ces exigences tandis que pour l’Union
européenne, un projet de directive sur le secret des affaires sera prochainement
examiné au Parlement après d’intenses mais fructueuses négociations
intergouvernementales46.
En France, la notion de « secret des affaires » n’a pas d’existence juridique
stabilisée et de définition uniforme. Elle est en premier lieu citée dans de nombreux
textes tels que l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, les articles L. 430-10 du code de commerce, L. 612-24 du code

46

Sur ce point, on consultera avec profit l’article de Jean Lapousterle, « Les secrets d’affaires à l’épreuve de
l’harmonisation européenne », Recueil Dalloz, 2014, p. 682 et sq.

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