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Dans le détail, *** est responsable de 30 % de ces agressions, ***. Ces
chiffres soulignent combien nos principaux partenaires peuvent aussi être nos
meilleurs adversaires dans le domaine économique.
Les pillages peuvent prendre des formes variées : vol d’ordinateur, attaques
informatiques, raids capitalistiques lors d’une opération de financement,
espionnage à l’occasion d’une visite, transferts de technologies indus… C’est dire
combien la France doit maintenant se doter d’un arsenal normatif protecteur car la
seule réelle nouveauté apparue depuis vingt ans réside en réalité dans la
technicisation de l’espionnage mais également l’utilisation croissante du vecteur
internet.
2. Un espionnage paré des vertus de la légalité
Au-delà de cet espionnage industriel dont l’existence est connue mais dont
les méthodes continuent malheureusement de surprendre des entreprises et des
administrations insuffisamment armées, il serait naïf d’oublier que les principales
ingérences empruntent aujourd’hui des voies légales. En effet, dans nos sociétés
contemporaines, le droit est une arme d’une redoutable efficacité, qu’il soit
détourné afin par exemple de voler des savoir-faire (notamment à l’occasion de
contentieux déclenchés à cette fin) ou qu’il soit au contraire pensé comme un
puissant instrument de prédation.
En ce sens, la législation américaine, notamment en raison de son caractère
extraterritorial, apporte une illustration particulièrement éloquente de cette
ambivalence par le biais de la procédure de discovery ainsi que l’existence du deal
of justice. Précisons toutefois que d’autres pays disposent d’armes similaires.
Très fréquemment instrumentalisée, la procédure de discovery repose sur
un principe fondamental de la common law selon lequel les parties dirigent
l’instruction en lieu et place du juge. Dans cette configuration, le plaignant adresse
des demandes de pièces au défendeur afin de cibler son action en justice. Le juge
intervient alors uniquement pour valider le refus de communication ou, dans le cas
contraire, prononcer des sanctions très lourdes lorsqu’il estime le refus infondé. Or,
les demandes s’avèrent bien souvent extraordinairement vastes (d’où leur surnom
de fishing expeditions, « parties de pêche ») et peuvent procéder d’une volonté de
profiter de cette procédure pour se livrer légalement à de l’espionnage économique.
Dans ces cas de figure, les contentieux débouchent fréquemment sur des
transactions afin d’éviter un pillage par trop conséquent. Néanmoins, leur
déclenchement est à lui seul préjudiciable et les entreprises se révèlent par trop
impréparées.
La pratique du deal of justice découle aussi directement du caractère
extraterritorial de la législation états-unienne, notamment dans sa dimension
anticorruption. Elle s’appuie principalement sur le Foreign corrupt Act de 1977 et