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la Constitution en application de la séparation des pouvoirs. De telle sorte que,
s’inspirant de l’article 24 de la Constitution, la Délégation exerce désormais « le
contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement
et évalue la politique publique en ce domaine ».
La France ne fait donc pas partie de la poignée de pays (États-Unis,
Norvège…) dans lesquels le contrôle parlementaire s’apparente à une forme de
surveillance des opérations en cours. On pourrait de prime abord le regretter mais il
s’agit, en réalité, d’une heureuse précaution. D’abord parce qu’aux États-Unis,
l’expérience a démontré qu’en réponse à ce qu’ils perçoivent comme une
« entrave » posée par le Congrès à leur action, les gouvernements ont multiplié les
procédés pour le contourner (extra-territorialisation comme sur la base de
Guantanamo bay, externalisation par l’appel à des prestataires privés…). Ensuite
parce que le nouveau texte se devait de respecter une décision du conseil
Constitutionnel qui, en 2001, a interdit au législateur de s’intéresser aux
« opérations en cours15 », sans qu’il en précise réellement les motivations et qu’il
ne définisse cette notion.
Cette décision procédait d’une saisine par les sénateurs qui contestaient le
surcroît de prérogatives octroyé au Parlement en matière de contrôle des fonds
spéciaux. Les sénateurs écrivaient que « ces prérogatives sont excessives et mettent
en péril la sécurité des opérations des services secrets, ainsi que, par conséquent,
la séparation des pouvoirs elle-même 16. »
Au surplus, la législation, en érigeant le renseignement au rang de politique
publique, a suscité un changement important : en effet, si en France les services
participaient jusqu’à présent de facto à la stratégie de sécurité nationale, ils y sont
désormais associés de jure puisque l’article L. 1111-1 du code de la défense qui
définit cette stratégie évoque, en son deuxième alinéa, le concours de « l’ensemble
des politiques publiques ».
B. UN ÉLARGISSEMENT CONSÉQUENT DES MOYENS D’INFORMATION
Naturelle contrepartie à l’extension des prérogatives de la DPR, le pouvoir
d’information de l’instance a été notablement accru. Le texte adopté mérite d’être
cité intégralement :
Afin d’assurer sa mission de contrôle, la DPR « est destinataire des
informations utiles à l’accomplissement de sa mission. Lui sont notamment
communiqués :
1° la stratégie nationale du renseignement ;
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Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001.
Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 2001 présentée par plus de soixante sénateurs, en
application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2001-456 DC.