10.4. L’insuffisance des garanties apportées aux professions dont le secret est protégé
Dans son rapport rendu pour avis au nom de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées du Sénat, M. Jean-Pierre Raffarin prétend que « les
dispositions adoptées pour protéger de façon légitime certaines professions ou fonctions
(parlementaires, magistrats, avocats, journalistes) ont pris parfois un caractère d’interdiction absolue d’agir » 12 .
Cette description abusive fait l’impasse sur les lacunes dont souffrent les maigres garanties apportées en cours d’examen parlementaire au secret professionnel des professions
protégées, et qui entachent le texte d’incompétence négative.
En droit,
Droit constitutionnel
Le Conseil constitutionnel attache une importance particulière au secret professionnel qui bénéficie d’une protection au titre du droit au respect de la vie privée. Ainsi, là
où le Conseil a jugé conformes à la Constitution les dispositions du règlement concernant l’organisation et au fonctionnement de l’Assemblée nationale relatives aux pouvoirs
de convocation et d’audition des commissions permanentes, c’est seulement après avoir
souligné que :
« La législation assurant la préservation du secret professionnel et du secret de la défense
nationale interdit à toute personne qui en est dépositaire de révéler de tels secrets,
même à l’occasion de son audition par une commission permanente »
(Cons. Constit., no 2009-581 DC du 25 juin 2009, cons. 7 et 8)

Dans le même sens, les dispositions de l’article 5 de la loi no 2007-1224 du 21 août
2007 relatives aux déclarations individuelles de salariés ayant l’intention de participer à
une grève n’ont pas été regardées comme contraires à la Constitution, dès lors que ces
déclarations :
« Sont couvertes par le secret professionnel ; que leur utilisation à d’autres fins ou leur
communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme
étant chargées de l’organisation du service sera passible des peines prévues à l’article
226-13 du code pénal ; que, dans le silence de la loi déférée, les dispositions de la loi du
6 janvier 1978 susvisée s’appliquent de plein droit aux traitements de données à caractère
personnel qui pourraient éventuellement être mis en œuvre ; qu’ainsi, l’obligation de
déclaration individuelle s’accompagne de garanties propres à assurer, pour les salariés,
le respect de leur droit à la vie privée »
(Cons. constit., 2007-556 DC du 16 août 2007, cons. 31)

Enfin, si le Conseil constitutionnel peut admettre que, dans certaines hypothèses, des
personnes soient déliées de leur secret professionnel, c’est à la condition que le législateur
l’ait dûment « prévu » et ce, aux termes d’une stricte « conciliation entre, d’une part,
l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure le droit
12. Jean-Pierre Raffarin, 2015. Avis no 445 (2014-2015) fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif au renseignement, Sénat. Disponible à l’adresse : http://www.senat.fr/rap/a14-445/a14-445.html.

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