portent manifestement atteinte au droit au respect de la vie privée de l’ensemble de la
population. Il revenait donc au législateur de fixer les garanties fondamentales nécessaires
afin d’assurer la juste conciliation entre ces atteintes et les finalités invoquées.
Secondement, les techniques autorisées seront directement mises en œuvre par les
agents des services visés, et la totalité des renseignements collectés sera directement traitée
dans leurs mains. Or, compte tenu tant de la technicité de ces mesures que de la masse
d’informations qu’elles permettent de collecter sur de nombreux citoyens, elles comportent
par substance un risque d’abus, de dévoiement ou de simple dysfonctionnement.
Dès lors, l’ampleur d’un tel risque pour les libertés dépend directement, d’une part,
du nombre d’agents et services mettant en œuvre ces techniques et, d’autre part, de
l’efficacité du contrôle pouvant être fait de l’activité de ces agents par une autorité indépendante. Toutefois, concrètement, l’efficacité de ce contrôle dépend aussi du nombre
d’agents et de services contrôlés par cette autorité.
Ainsi, le risque que les techniques autorisées par la présente loi soient mises en œuvre
en violation de celle-ci est proportionnel au nombre d’agents et de services pouvant les
réaliser et, partant, la limitation de ce nombre était une garantie fondamentale au respect
des droits en cause que le législateur aurait dû prendre et n’a pas prise.
De plus, l’effectivité des garanties qu’aurait par ailleurs prévues le législateur dans la
présente loi ne saurait aussi être appréciée qu’au regard de ce nombre. Or, en laissant
le pouvoir exécutif fixer ce nombre librement, le législateur a permis à ce dernier de
moduler l’effectivité des garanties encadrant sa propre action en désignant un nombre
plus ou moins important d’agents et de services.
Les effets de ce défaut de limitation du nombre de services pouvant être autorisé
par simple décret à mettre en œuvre ces techniques sont d’autant plus importants de
ce que l’article L. 811-4 y inclut « les services, autres que les services spécialisés
de renseignement, relevant des ministres de la défense et de l’intérieur ainsi que des
ministres chargés de l’économie, du budget ou des douanes ». Les risques d’abus et de
dysfonctionnement, ainsi que la difficulté pratique du contrôle, sont en effet d’autant
plus importants que les services concernés ne sont pas spécialisés et ont recours aux
techniques de renseignement dans le cadre d’une activité bien plus large que la seule
mise en œuvre de ces techniques et poursuivant des intérêts bien plus divers que les seuls
intérêts fondamentaux de la Nation visés à l’article L. 811-3 du CSI.
En conclusion,
La loi déférée est entachée d’incompétence négative, le législateur ayant manqué à
l’obligation que lui incombe l’article 34 de la Constitution d’assurer, en vue de l’article 2
de la Déclaration de 1789, la juste conciliation entre les intérêts qu’il défend et le respect
des droits et libertés fondamentaux des citoyens, en ne limitant pas le nombre d’agents
et de services pouvant porter atteinte aux droits et libertés protégés, et doit ainsi être
censurée.
Au moins, l’article L. 811-4 créé par la loi déférée doit être censuré, le législateur ayant
échoué à prévoir les garanties que la Constitution lui imposait de prendre en permettant
à des services non spécialisés de recourir à des techniques de surveillance.
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