Avant-propos

bloquant) et du Conseil d’État (qui a désormais vocation à arbitrer en cas
de désaccord entre la Commission et le Premier ministre). Cela ne devrait
guère changer les pratiques – le Premier ministre s’est jusqu’ici toujours
rangé aux avis défavorables de la Commission – mais marque une évolution
vers une juridictionnalisation croissante du droit du renseignement.
Pendant ce temps, l’autre grande juridiction supranationale, la Cour
européenne des droits de l’homme, poursuit sa démarche ambitionnant
d’allier réalisme face aux exigences de sécurité et efficacité dans la
protection des droits. Admettant la nécessité que les États développent
leur capacité de défense, notamment dans le domaine de la surveillance
et du renseignement, y compris en pratiquant une « surveillance de
masse », considérant qu’elle n’a pas à interférer dans l’appréciation qui
est la leur des moyens adéquats pour renforcer cette capacité, elle a, en
contrepartie, entrepris au fil de ses décisions de construire une sorte de
cahier des charges assurant l’existence de « garanties de bout en bout »,
quelles que soient les options nationales retenues par les États.
La décision Big Brother Watch s’inscrit dans cette dynamique
jurisprudentielle. Demandant en particulier aux États que les pratiques
consistant à partager des renseignements avec leurs homologues
étrangers soient, dans un sens comme dans l’autre, assorties de garanties
comparables à celles qui valent pour le recueil de renseignements par
leurs propres services, elle n’a pas encore reçu de traduction dans la
législation nationale.
Troisième dynamique, c’est bien le législateur national qui a choisi de
sa propre initiative de renforcer les garanties applicables au partage
de renseignements entre services français. Alors même que le Conseil
constitutionnel avait jugé que les dispositions antérieures suffisaient à
assurer le partage entre la loi et le règlement, la loi du 30 juillet 2021
a construit un régime nouveau, combinant procédure d’autorisation
et de déclaration, qui vient renforcer dans une mesure encore difficile
à déterminer les obligations des services et les responsabilités de la
Commission.
Cette dernière ne peut que se féliciter de ce souci de perfectionnement
du cadre protecteur des libertés. Mais elle se préoccupe aussi de la
méthode mise en œuvre : ce n’est qu’une fois la réforme adoptée que
l’on a entrepris de déterminer exactement son impact sur l’activité des
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