L’impact de cet arrêt ne se limitait pas aux autorités, judiciaires ou
administratives, sollicitant l’accès aux données de connexion conservées
par les opérateurs. Les autorités nationales chargées du contrôle de
ces accès étaient également concernées. La CJUE avait en effet jugé
qu’il était « essentiel que l’accès des autorités nationales compétentes
aux données conservées soit, en principe, sauf cas d’urgence dûment
justifiés, subordonné à un contrôle préalable effectué soit par une
juridiction soit par une entité administrative indépendante » dont la
décision est dotée d’un effet contraignant et ajoutait qu’« en tout état de
cause, les États membres doivent garantir le contrôle, par une autorité
indépendante, du respect du niveau de protection garanti par le droit
de l’Union en matière de protection des personnes physiques à l’égard
du traitement des données à caractère personnel (…) ».
b) Les réactions des États :
inviter la CJUE à reconsidérer sa position
Les juridictions nationales ont accueilli cette jurisprudence avec une réserve
marquée. À l’occasion de litiges pendants devant eux, le Conseil d’État
français17, la Cour constitutionnelle belge et la juridiction britannique chargée
de contrôler les activités de renseignement18 ont ainsi saisi la CJUE de
questions préjudicielles afin de l’inviter à réexaminer la solution retenue dans
l’arrêt Tele2 Sverige AB à la lumière de considérations tirées de la gravité et
du caractère diffus des menaces pouvant peser sur les États membres19.

17 - Il s’agit de la plus haute juridiction de l’ordre administratif.
18 - Il s’agit de l’Investigatory Powers Tribunal.
19 - A
 vant même l’arrêt Tele2 Sverige AB, la Cour provincial de Tarragone (Espagne) avait saisi la CJUE, en avril 2016, d’une
question préjudicielle présentée dans le cadre d’un recours introduit par le ministère public espagnol contre la décision
du juge d’instruction n°3 de Tarragone portant refus d’autoriser l’accès de la police judiciaire à des données à caractère
personnel conservées par des fournisseurs de services de communications électroniques. La Cour a répondu à cette
question dans l’arrêt : CJUE, grande chambre, 2 octobre 2018, Ministerio Fiscal, affaire C-207/16. Postérieurement à
l’arrêt Tele2 Sverige A, la Cour suprême d’Estonie (Riigikohus) a également saisi la CJUE, au mois de novembre 2018,
d’une question préjudicielle à l’occasion d’une procédure pénale engagée contre « H. K. » des chefs de vol, d’utilisation
de la carte bancaire d’un tiers et de violence à l’égard de personnes participant à une procédure en justice. La Cour a
répondu à cette question dans l’arrêt : CJUE, grande chambre, 2 mars 2021, H.K c/ Prokuratuur, affaire C-746/18.
Une autre question préjudicielle lui avait été adressée par la Cour suprême d’Irlande (Supreme Court) dans le cadre d’une
procédure civile visant à contester certaines dispositions de la législation nationale concernée régissant la conservation
de données relatives au trafic et de localisation par les fournisseurs de services de communications électroniques. La
CJUE y a répondu dans l’arrêt : CJUE, grande chambre, 5 avril 2022, Commissioner of the Garda Síochána e.a.,
affaire C-140/20. À la connaissance de la CNCTR deux questions préjudicielles sont par ailleurs toujours pendantes
devant la CJUE. L’une introduite par la Cour administrative fédérale allemande (Bundesverwaltungsgericht) en matière de
renseignement. L’autre introduite par la Cour de cassation française en matière d’accès aux données de connexion par
l’Autorité des marchés financiers.

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