Études et documents
devant le procureur hiérarchiquement supérieur. Selon les dispositions
nationales applicables, les personnes qui faisaient l’objet d’interceptions
de leurs communications n’en étaient à aucun moment informées, et la loi
ne prévoyait aucune possibilité d’introduire un recours devant un tribunal.
Le contrôle a posteriori du bien-fondé de l’interception par une autorité
indépendante et impartiale était aussi inexistant. Ni les services secrets ni
le procureur n’étaient obligés de verser au dossier d’instruction du tribunal saisi d’une accusation pénale, la documentation sur le fondement de
laquelle ils s’étaient appuyés lorsqu’ils avaient respectivement sollicité et
autorisé l’interception des communications. Or, ces lacunes de la loi semblent avoir abouti, en l’espèce, à l’impossibilité pour les tribunaux saisis
de l’accusation pénale portée contre le requérant de vérifier le bien-fondé
de l’autorisation donnée par le parquet ; ils se sont ainsi bornés à contrôler le respect des conditions de forme quant aux interceptions proprement
dites, aux comptes rendus et aux transcriptions des communications interceptées. La simple possibilité pour un particulier prévue par la loi de saisir les commissions de la défense et de l’ordre public des deux chambres
du Parlement national ne saurait suppléer à l’absence de tout contrôle a
priori ou a posteriori des écoutes par une autorité judiciaire indépendante
et impartiale. De plus, la loi ne prévoyait aucune sanction ou mesure que
les commissions parlementaires auraient été compétentes de prendre en
cas de méconnaissance de la loi par les autorités ayant réalisé ou autorisé
les interceptions. Il n’y avait pas d’obligation pour le procureur de préciser
dans l’autorisation les numéros de téléphone mis sur écoute, ni de garanties concernant la sauvegarde du caractère intact et complet des enregistrements et leur destruction. Le parquet a versé au dossier du tribunal des
transcriptions fragmentaires des conversations téléphoniques du requérant mis sur écoute. Alors même que ceci est compréhensible dans certaines circonstances, l’intéressé doit néanmoins se voir offrir la possibilité
d’écouter les enregistrements ou de contester leur véracité, d’où la nécessité de les garder intacts jusqu’à la fin du procès pénal, et de verser au dossier d’instruction les pièces qui lui semblent pertinentes pour la défense de
ses intérêts. Enfin, la seule autorité nationale qui aurait pu attester la réalité et la fiabilité des enregistrements en procédant à une comparaison des
voix était le service roumain de renseignements, à savoir l’autorité même
qui était chargée d’intercepter les communications, de les mettre par écrit
et de certifier leur authenticité. Or, dès lors qu’il y a un doute sur la réalité
ou la fiabilité d’un enregistrement, il devrait y avoir une possibilité claire
et effective de le faire expertiser par un centre public ou privé indépendant
de celui qui a effectué les écoutes. Le Code de procédure pénale (ci-après
« CPP ») comporte désormais de nombreuses garanties en matière d’interception et de transcription des communications, d’archivage des données
pertinentes et de destruction de celles qui ne le sont pas. Il reste que ces
changements législatifs sont largement postérieurs aux faits dénoncés par
le requérant. Par ailleurs, des mesures de surveillance dans des cas d’atteinte présumée à la sûreté nationale semblent pouvoir être ordonnées
aujourd’hui encore par le parquet.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 6 (1) – S’il est vrai que le tribunal militaire territorial statuant en première instance a refusé de renvoyer devant la Cour constitutionnelle l’exception d’inconstitutionnalité de l’article du CPP, cette omission a été réparée
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