CNCIS – 16e rapport d’activité 2007
Droit pénal et procédure pénale
Sommaire : une condamnation pénale ne peut – sans méconnaître le droit au procès équitable protégé par l’article 8 de la CESDH – se
fonder sur des interceptions de communications téléphoniques autorisées par un magistrat du ministère public sans autre garantie juridictionnelle (possibilité de contester la décision devant un organe indépendant,
possibilité de vérifier le motif initial de l’interception et la qualité de la
retranscription).
CEDH, 26 avril 2007, Dumitru Popescu contre Roumanie
Résumé disponible sur le site de la CEDH : Dumitru Popescu – Roumanie
(no 2) (no 71525/01)
Arrêt 26.4.2007 [Section III]
En fait : Le requérant était actionnaire majoritaire d’une société d’affrètement d’avions. Soupçonné de contrebande et d’association de malfaiteurs,
il fut arrêté pour son implication dans un trafic de cigarettes arrivées illégalement à l’aéroport militaire. Il fut renvoyé devant le tribunal militaire territorial. Le parquet fit parvenir à cette juridiction des transcriptions et des
cassettes des écoutes téléphoniques du requérant effectuées par les services roumains de renseignement. S’appuyant notamment sur les écoutes
et la liste des communications téléphoniques passées entre les inculpés, le
tribunal militaire territorial déclara le requérant coupable de contrebande
et association de malfaiteurs, et le condamna à douze ans d’emprisonnement. Cette condamnation fut confirmée en appel et la Cour suprême de
justice rejeta le recours du requérant.
En droit : Article 8 – Seule une lecture large de la loi évoquée permettrait
de considérer la disposition comme un fondement légal de l’ingérence. En
matière d’interception des communications téléphoniques, il ne ressort
pas clairement des pièces du dossier si une autorisation a été délivrée par
le procureur pour permettre spécifiquement l’écoute des communications
du requérant. Sur les garanties prévues par la loi pour assurer le degré
minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société
démocratique, on note un manque d’indépendance des autorités compétentes pour autoriser l’ingérence.
En cas de menace pour la sûreté nationale, les communications téléphoniques pouvaient être interceptées, en vertu de la loi, par les services spéciaux
de renseignements pour une durée de six mois sur simple autorisation du
procureur qui pouvait la proroger pour des délais de trois mois consécutifs, sans qu’aucune limite temporelle ne soit prévue par la loi. Il s’agissait
de mesures portant gravement atteinte au droit au respect de la vie privée
des particuliers, et laissées à la discrétion du procureur.
Or, la Cour a déjà jugé que les procureurs roumains, agissant en qualité de
magistrats du ministère public, ne remplissaient pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif. En outre, il existe une absence de tout contrôle
a priori des autorisations du procureur qui ne pouvaient pas être attaquées
devant un organe juridictionnel indépendant et impartial, la seule voie de
recours prévue par la loi contre pareilles décisions étant la contestation
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