Observations sur les motifs légaux d’interception

« La Commission a ainsi estimé utile de rappeler qu’il ne suffit pas
d’invoquer la crainte générale d’un trouble à l’ordre public, comme y
expose plus ou moins toute manifestation, pour répondre aux exigences
de motivation résultant de la loi. Pour ce faire, il doit être justifié, avec la
précision nécessaire, d’une menace particulièrement grave à la sécurité
nationale au sens ci-dessus rappelé ».
On relève dans le même rapport (p. 36) que :
– « la crainte d’un trouble à l’ordre public n’autorise le recours à une
interception qu’en cas de menace particulièrement grave à la sécurité ;
– « les interceptions de sécurité ne sauraient être utilisées comme
moyen de pénétrer un milieu syndical ou politique ou de pratiquer la
surveillance d’opposants étrangers, si la sécurité de l’État français luimême n’est pas en cause ».
La Commission est restée fidèle à cette doctrine.
– S’agissant des troubles à l’ordre public, des demandes motivées
par cette crainte peuvent parfois être présentées sans que soit cependant
allégué le risque d’attenter à la forme républicaine des institutions ou
de déboucher sur un mouvement insurrectionnel. Si des manifestations
sont susceptibles de dégénérer, le droit de manifester étant constitutionnellement reconnu, il s’agit là, en principe, d’un problème d’ordre public
et non d’une atteinte à la sécurité nationale. On peut cependant admettre que dans certaines hypothèses, l’ampleur des troubles ou la charge
symbolique voulue par leurs auteurs affectant le lieu et le temps des
manifestations, la qualité des autorités ou des symboles visés, sont tels
que la sécurité intérieure peut être menacée.
– S’agissant de la recherche de renseignements sur la situation
politique prévalant dans un pays tiers, la personne dont on se propose
d’intercepter les correspondances doit être suspectée d’attenter par ses
agissements aux intérêts fondamentaux de la Nation. Si les services de
renseignements ont, par nature, une mission de collecte de renseignements qu’ils remplissent en utilisant la palette des sources disponibles,
les interceptions de sécurité doivent faire exception. En effet, l’atteinte
exceptionnelle à la vie privée qu’autorise la loi ne peut être justifiée que
par la menace directe ou indirecte, actuelle ou future que la personne
écoutée est susceptible de représenter pour la sécurité nationale. En
l’absence de menace, et quel que soit l’intérêt que représente la cible
comme source de renseignement pour le domaine considéré, l’atteinte
à la vie privée serait contraire au principe de proportionnalité et l’avis de
la Commission ne pourrait être que défavorable. Cette observation vaut
naturellement pour les autres motifs légaux d’interception comme la
prévention du terrorisme et la lutte contre la criminalité organisée même
si, pour ces derniers, l’implication de la cible dans le processus conspiratif ou criminel est en principe avérée.
Enfin, la Commission entend opérer une appréciation in concreto
de la notion « d’intérêts fondamentaux de la Nation », la notion de sécu-

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