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5. Un mécanisme de lanceur d’alerte qui n’a encore jamais trouvé à
s’appliquer
Les révélations d’Edward Snowden, ancien agent de la CIA et consultant
de la NSA progressivement rendues publiques à partir de juin 2013 sur la
surveillance mondiale d’internet, mais aussi des téléphones portables et autres
moyens de communications, ont eu un énorme impact. Elles ont jeté un trouble
durable sur l’ampleur réelle de l’action des services de renseignement.
Il paraissait nécessaire, si des agissements contraires à la loi devaient être
constatés par un agent, que ce dernier puisse saisir les autorités compétentes, sans
avoir à en subir de conséquences dommageables.
À l’initiative de M. Jean–Jacques Urvoas, la loi du 24 juillet 2015 a donc
prévu un mécanisme de « lanceur d’alerte » au bénéfice des agents des services
qui estiment que des violations manifestes des dispositions du livre VIII du code
de la sécurité intérieure seraient commises au sein du service de renseignement où
ils sont affectés.
La procédure établie à l’article L. 861-3 du même code prévoit que l’agent
porte les faits en cause à la connaissance de la seule CNCTR, qui peut alors
saisir le Conseil d’État et en aviser le Premier ministre.
En parallèle, si la CNCTR estime que les faits rapportés sont
constitutifs d’une infraction, elle en avise le procureur de la République et
transmet les documents à la Commission consultative du secret de la défense
nationale (CCSDN) afin que celle-ci donne son avis au Premier ministre sur la
déclassification de ceux-ci en vue de leur transmission au procureur de la
République.
Le dispositif protège l’agent ayant témoigné de bonne foi à la CNCTR,
en prévoyant qu’aucune sanction, aussi bien disciplinaire que statutaire, ne peut
être prise à son égard. Ainsi, la rupture du contrat de travail décidée à la suite de
cette dénonciation serait nulle de plein droit. L’administration doit en outre
prouver que les mesures statutaires ou les sanctions disciplinaires prises à l’égard
d’un agent qui aurait par ailleurs signalé à la CNCTR des faits dans le cadre de ce
dispositif sont sans lien avec la dénonciation en la justifiant par des « éléments
objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’agent intéressé ».
En revanche, les agents qui auraient dénoncé de « mauvaise foi » ou «
avec l’intention de nuire » des faits en réalité inexacts seraient passibles des
sanctions prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal, c’est-à-dire
des dispositions réprimant la dénonciation calomnieuse.
Ce cadre juridique permettant aux agents des services de dénoncer des
pratiques qu’ils estiment illégales, tout en préservant le secret de la défense
nationale, est nécessaire. À la connaissance de la mission, aucune procédure n’a
encore été enclenchée sur cette base.