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Dans cette situation, le Premier ministre peut délivrer de manière
exceptionnelle l’autorisation de mise en œuvre d’une technique de renseignement,
sans avis préalable de la CNCTR. Il doit en informer cette dernière sans délai et
par tout moyen.
Le Premier ministre doit lui faire parvenir, dans un délai maximal de
24 heures à compter de la délivrance de l’autorisation, tous les éléments de
motivation et ceux justifiant le caractère d’urgence absolue.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet
2015, a jugé cette procédure conforme à la Constitution, notamment car elle n’est
pas applicable lorsque la mise en œuvre des techniques de renseignement implique
l’introduction dans un lieu privé à usage d’habitation et « n’est donc pas
susceptible d’affecter l’inviolabilité du domicile » (2).
Comme l’a souligné le président Delon, « cette exception, très encadrée,
est circonscrite à des cas exceptionnels d’extrême urgence et à la prévention
d’atteintes particulièrement graves à l’ordre public et n’a eu, en plus de trois ans,
à s’appliquer qu’une seule et unique fois, en décembre 2015, alors qu’un risque
imminent d’attentat terroriste était suspecté. On peut donc aujourd’hui affirmer
que le contrôle préalable de la CNCTR est réellement la règle. » (3)
3. La censure de la procédure dite de « l’urgence opérationnelle »
Une deuxième procédure dérogatoire était initialement prévue par la loi du
24 juillet 2015, celle dite de « l’urgence opérationnelle », à l’article L. 821-6.
En cas d’urgence liée à une menace imminente ou à un risque très élevé de
ne pouvoir effectuer l’opération ultérieurement, des balises et des IMSI-catchers
pouvaient, de manière exceptionnelle, être installés, utilisés et exploités sans
autorisation préalable par des agents individuellement désignés et habilités. Le
Premier ministre, le ministre concerné et la CNCTR en étaient informés sans délai
et par tout moyen. Le Premier ministre pouvait ordonner à tout moment que la
mise en œuvre de la technique concernée soit interrompue et que les
renseignements collectés soient détruits sans délai.
Cette procédure s’inspirait de la procédure judiciaire, puisqu’un officier de
police judiciaire peut, d’initiative, poser des balises de géolocalisation, en cas
d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou
d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, et solliciter immédiatement auprès du
(1) Indépendance nationale, intégrité du territoire et défense nationale (1° de l’article L. 811–3), prévention du
terrorisme (4°) et prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions (a du 5°).
(2) Conseil constitutionnel, décision n° 2015–713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement, cons.
24.
(3) In La commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, Le droit du renseignement,
L’Académie du renseignement, Francis Delon, p. 125.