— 148 —
et de partage de renseignements entre les États-Unis et le Royaume-Uni. À la suite
de ces révélations, plusieurs requêtes ont été introduites devant la Cour
européenne des droits de l’homme.
Ce n’est pas la première fois, dans l’arrêt Big Brother Watch, que la
CEDH examine la question de l’interception massive de communications. En
juin 2018, elle avait déjà conclu, dans un arrêt Centrum För Rättvisa c. Suède, que
la législation et la pratique suédoises dans le domaine du renseignement
électromagnétique n’emportaient pas violation de la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle avait notamment
considéré que le système suédois offrait des garanties adéquates et suffisantes
contre l’arbitraire et le risque d’abus. L’affaire Big Brother Watch est cependant la
première affaire dans laquelle la CEDH étudie spécifiquement la portée de
l’atteinte à la vie privée d’une personne, susceptible de résulter de l’interception et
de l’examen de données de communication – et non du contenu des
communications.
La question de l’obtention de communications auprès de fournisseurs de
services de communication avait également déjà été examinée dans de précédents
arrêts, notamment dans l’arrêt Ben Faiza c. France du 8 février 2018.
En revanche, c’est la première fois, avec l’arrêt Big Brother Watch que la
CEDH est appelée à examiner la conformité à la Convention d’un régime
d’échange de renseignements. Dès l’affaire Szabó et Vissy c. Hongrie du
12 janvier 2016, la CEDH avait été amenée à considérer (1) que la pratique des
gouvernements, de plus en plus répandue, consistant à transférer et à partager
entre eux des renseignements obtenus grâce à une surveillance secrète – une
pratique dont l’utilité en matière de lutte contre le terrorisme international n’est
aucunement remise en cause et qui concerne aussi bien les échanges entre les États
membres du Conseil de l’Europe que les échanges avec d’autres États – était une
raison supplémentaire pour exiger une attention particulière en matière de contrôle
externe et de voies de recours. Cela étant, c’est avec l’affaire Big Brother Watch
que la Cour examine véritablement la question.
a. L’interception massive de communications
Dans l’affaire Big Brother Watch, la CEDH conclut que l’utilisation d’un
régime d’interception massive n’emporte pas en lui-même violation de la
Convention européenne des droits de l’homme mais observe qu’un tel régime doit
respecter les critères qui se trouvent énoncés dans sa jurisprudence. Outre les six
exigences posées dans l’affaire Weber et Saravia, sont également pris en compte
les modalités du contrôle de l’application de mesures de surveillance secrète,
l’existence éventuelle d’un mécanisme de notification et les recours prévus en
droit interne – critères additionnels développés dans l’arrêt Zakharov. La CEDH
précise qu’il est en principe souhaitable – et que cela constituerait même une
(1) Paragraphe 78 de la décision.