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la sonorisation d’un appartement sans base juridique suffisamment précise.
Comme l’indique M. Jean-Jacques Urvoas, « dans la mesure où notre pays a, sous
l’effet conjugué des condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme
et de la jurisprudence interne, complété son appareil juridique en matière de
police judiciaire, il apparaît désormais que le recours aux moyens spéciaux
d’investigation mis en œuvre par les services de renseignement en dehors du
cadre judiciaire, comme les sonorisations de lieux privés ou la pose de balises sur
un véhicule, doit faire l’objet d’une définition précise. »
Il est indéniable que la loi du 24 juillet 2015 a pris en compte la
jurisprudence de la Cour européenne de Strasbourg. On peut citer plusieurs
exemples de principes qui découlent de cette jurisprudence :
– le contingentement des services et des techniques de renseignement ;
– les durées maximales de mise en œuvre des techniques de renseignement
et les délais de conservation.
Il en va de même du principe de subsidiarité énoncé à l’article L. 853-1 du
code de la sécurité intérieure, qui dispose que l’utilisation des techniques de
renseignement qu’il mentionne ne peut être autorisée que « lorsque les
renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement
autorisé. »
La jurisprudence de la CEDH en matière de surveillance secrète a continué
à se préciser depuis l’adoption de la loi de 2015. C’est pourquoi il importe aux
membres de la mission d’information de tenir compte de ses derniers
développements dans le cadre de l’évaluation de cette loi.
3. La jurisprudence de la CEDH post-loi de 2015 : l’arrêt Big Brother
Watch et la question du partage de renseignement
Dans l’arrêt Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni (1) du
13 septembre 2018, la CEDH examine trois types de surveillance :
– l’interception massive de communications ;
– l’obtention de données de communication auprès de fournisseurs de
services de communication ;
– le partage de renseignements – en l’espèce entre l’Agence nationale de
sécurité américaine, la NSA, et le Royaume-Uni.
Le contexte de l’affaire est celui des révélations d’Edward Snowden,
ancien agent contractuel de la NSA, sur l’existence de programmes de surveillance
(1) L’affaire Big Brother Watch a été renvoyée en Grande chambre. L’audience a eu lieu le 10 juillet 2019.
L’arrêt de Grande Chambre n’a pas encore été rendu. L’arrêt présenté ci-dessous est celui rendu par la
première section de la Cour EDH le 13 septembre 2018.