— 141 —
subversifs opérant sur son territoire, la Cour européenne des droits de l’homme a
estimé que l’existence de dispositions législatives accordant des pouvoirs de
surveillance secrète de la correspondance, des envois postaux et des
télécommunications était, devant une situation exceptionnelle, nécessaire dans une
société démocratique à la sécurité nationale, à la défense de l’ordre et à la
prévention des infractions pénales.
En d’autres termes, et selon une jurisprudence constante, depuis l’arrêt
Klass c. Allemagne, la CEDH estime qu’un régime d’interception n’emporte pas,
en lui-même, violation de la Convention, les États disposant, par ailleurs, d’une
importante marge d’appréciation dans le choix des moyens permettant de protéger
la sécurité nationale. Le pouvoir de surveiller en secret les citoyens n’est,
toutefois, tolérable que dans la mesure strictement nécessaire à la sauvegarde des
institutions démocratiques.
La Cour européenne de Strasbourg précise aussi dans l’arrêt Klass que le
respect de la Convention européenne des droits de l’homme implique, entre autres,
qu’une ingérence de l’exécutif dans les droits d’un individu soit soumise à un
contrôle efficace que doit normalement assurer, au moins en dernier ressort, une
autorité juridictionnelle car il offre les meilleures garanties d’indépendance,
d’impartialité et de régularité procédurale.
b. Les exigences de clarté, d’accessibilité et de prévisibilité de la loi
À la suite de cet arrêt fondateur, la Cour européenne des droits de
l’homme a été amenée à préciser le sens des exigences posées à l’article 8 de la
Convention, et notamment celle que les ingérences éventuelles des pouvoirs
publics dans la vie privée des individus soient « prévues par la loi ». Au
demeurant, la CEDH considère la loi non dans sa dimension formelle de texte
législatif mais au sens général de norme, ce qui inclut notamment les actes
réglementaires et la jurisprudence. Ce sont la clarté, l’accessibilité et la
prévisibilité de la norme qui importent, pas sa forme matérielle.
● L’exigence de prévisibilité de la loi : l’arrêt Malone c. Royaume-Uni
Non seulement la surveillance secrète doit être encadrée par la loi mais la
CEDH exige en outre que cette loi soit prévisible et précise. Dans l’arrêt Malone
c. Royaume-Uni du 2 août 1984, la CEDH précise que la prévisibilité « ne saurait
signifier qu’il faille permettre à quelqu’un de prévoir si et quand ses
communications risquent d’être interceptées par les autorités, afin qu’il puisse
régler son comportement en conséquence. Néanmoins, la loi doit user de termes
assez clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et
sous quelles conditions, elle habilite la puissance publique à opérer pareille
atteinte secrète, et virtuellement dangereuse, au droit au respect de la vie privée et
de la correspondance. »
La loi doit être d’autant plus prévisible et précise que les atteintes au droit
au respect de la vie privée sont importantes. La CEDH considère en effet dans