Par conséquent, c'est bien à l'autorité judiciaire qu'appartient exclusivement
la répression des infractions et non pas à la CNIL ; il demeure que la loi a
assigné à la CNIL un devoir particulier d'information des parquets. En l'absence
d'infractions dont les parquets ont connaissance, notamment par la plainte des
particuliers, il est évidemment souhaitable que la CNIL exerce ce devoir
d'information. C'est à cet organisme d'employer les moyens qu'il juge nécessaire
pour remplir cette mission qui est légale. Le garde des Sceaux, pour sa part,
ne peut que rappeler le cadre juridique et n'a pas à porter d'appréciation sur
le fonctionnement de cet organisme auquel, vous le savez, le législateur a
entendu conférer le statut d'autorité administrative indépendante.
M. le président: La parole est à M. Pontillon.
M. Robert Pontillon: M. le garde des Sceaux, votre réponse, pour
satisfaisante qu'elle soit par certains points, n'a pas pour autant levé toutes
nos appréhensions. Le vrai problème demeure : comment doter effectivement
la commission nationale de l'informatique et des libertés des attributs d'une
réelle autorité et des moyens de la contrainte qui, apparemment, lui font
actuellement défaut ?
Rappellerai-je que, quand cette loi vint en discussion devant le Sénat en
novembre 1977, nous dîmes nos réserves devant les lacunes et insuffisances
du projet, sa fausse protection et son excessive timidité dans l'interdiction et
la répression du détournement, de la tricherie ou de la fraude. L'expérience
montre que, à un texte déjà insuffisant, on ajoute désormais une pratique
restrictive. Comment, en effet, concevoir, monsieur le ministre, que devant la
révélation et la preuve du détournement de finalité des fichiers à des fins
politiques, comme ce fut le cas des fichiers de l'ex-office interdépartemental
d'HLM de la région parisienne lors des élections municipales récentes, la
commission n'ait manifesté sa vigilance que par un tardif avertissement général
à l'ensemble des détenteurs des fichiers ?
La pratique confirme donc bien les appréhensions que nous exprimions
dès 1977. Cette loi, loin de garantir les libertés, ne risque-t-elle pas à la
longue de conduire à légaliser de fait l'utilisation abusive de fichiers qui
violeront la vie privée et la conscience des citoyens ?
Il convient donc que soient mieux précisées les dispositions mises en
œuvre par la loi de 1978, relatives à la saisine du parquet - à cet égard, je
vous remercie, monsieur le ministre, des intéressantes précisions que vous
venez de nous apporter - pour ce qui est des infractions dont la commission
a connaissance afin que le texte de la loi ne contribue pas à créer une
« fausse sécurité », sans moyens réels de la faire respecter.
Si les membres de la commission n'estiment pas, eux, nécessaire de
proposer les modifications législatives ou réglementaires qui leur paraîtraient
de nature à assurer un respect plus effectif de la loi, il reviendra alors au
législateur de modifier certains paragraphes du texte, notamment l'article 21,
dans le sens d'une protection meilleure et plus réelle des libertés.
(Sénat, séance du 21 octobre 1983)

2. L'affaire SKF
47713. - 2 avril 1984. - Le journal L'Humanité du jeudi 22 mars 1984
a publié les preuves que des enquêtes policières étaient effectuées préalablement à l'embauche du personnel par une entreprise de roulements à billes
dans le sud de la banlieue parisienne. Les éléments du dossier font apparaître
que ces enquêtes portent sur la vie privée, les appartenances syndicales ou

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