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nécessaire pour permettre la mise en place progressive de l’indispensable climat
de confiance mutuelle » (1).
Pour autant, cette frilosité n’exclut pas un certain progrès par rapport au
texte initialement proposé par le Gouvernement, qui octroyait à la délégation un
rôle trop passif limité à sa simple information par l’exécutif « sur l’activité
générale et sur les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous
l’autorité des ministres de la défense et de l’intérieur ». D’autant que
Bernard Carayon estimait que « la pratique » pourrait éventuellement permettre
« d’aller plus loin par la suite » (2). Néanmoins, les propositions consensuelles
formulées en 2005 ont été soigneusement écartées alors même qu’elles dessinaient
un modèle de contrôle des plus élémentaires.
Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de
son activité sans qu’il puisse être fait mention d’aucune information ni d’aucun
élément d’appréciation protégé par le secret de la défense nationale. Parallèlement,
elle peut adresser « des recommandations et des observations » au Président de la
République et au Premier ministre. C’est cet outil que la délégation a souhaité
privilégier depuis sa création. Aux yeux de ses membres, ce choix justifie que le
rapport public annuel soit particulièrement peu consistant, ne rendant pas
nécessairement compte de la nature des travaux conduits. Pourtant, on peut se
demander quelle est la cohérence d’une structure parlementaire dont la
production n’est destinée à informer ni le Parlement, ni même les citoyens,
mais seulement le pouvoir exécutif. Cette considération ne manque pas de
susciter quelques interrogations philosophiques et juridiques concernant le respect
de la séparation des pouvoirs. Car, en fin de compte, le Parlement fait le choix de
ne pas rendre compte aux électeurs mais à l’autorité qu’il est supposé contrôler.
De plus, la vacuité des rapports publics de la DPR ne saurait
uniquement s’expliquer par quelque lien privilégié noué avec le pouvoir exécutif.
Il paraît difficilement concevable que les rapports confidentiels s’illustrent par leur
caractère volumineux et leur précision alors que ceux destinés à être diffusés
tiennent en une page (si l’on fait abstraction des contraintes de présentation et des
rappels historiques). D’autres grandes nations, à l’instar des États-Unis ou du
Royaume-Uni, voient leurs parlementaires publier des rapports annuels d’une
centaine de pages qui ne mettent pas pour autant en péril l’activité de leurs
services de renseignement. Le cas britannique est à cet égard particulièrement
éloquent : bien que dépendant du pouvoir exécutif, l’Intelligence and security
committee publie chaque année un volumineux rapport qui évoque sans
complaisance les principaux enjeux relatifs au renseignement, sans négliger le cas
échéant les affaires qui ont pu donner lieu à des scandales médiatiques. Seuls les
passages sensibles sont soustraits à la connaissance du public. En revanche, en
(1) Bernard Carayon, Rapport fait au nom de la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de
l’administration générale de la République sur le projet de loi (n° 13), adopté par le Sénat, portant création
d’une délégation parlementaire au renseignement, p. 26.
(2) Assemblée nationale, compte rendu des débats de la deuxième séance du 26 juillet 2007.