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Lors de la discussion parlementaire autour d’un projet de loi relatif à la
lutte contre le terrorisme (1), Alain Marsaud, assumant la fonction de rapporteur de
la commission des Lois de l’Assemblée nationale, manifesta son intention de faire
avancer le contrôle parlementaire des services de renseignement : « Au moment où
le législateur s’apprête à offrir un cadre à l’action préventive de police
administrative des services de renseignement pour lutter contre le terrorisme,
nous considérons qu’il serait légitime d’ouvrir une réflexion sur la nature et le
degré de contrôle parlementaire à exercer sur ces services (2). » Et le député de
signaler que la France était le seul pays occidental, avec le Portugal, à accuser un
tel retard en la matière.
Dès le passage du texte en commission des Lois, Nicolas Sarkozy, alors
ministre de l’Intérieur, se montra à titre personnel ouvert à cette initiative mais
évoqua des réticences au sein du Gouvernement auquel il appartenait (3) ou de
certaines administrations (sans les citer (4) mais en excluant les chefs des services
de renseignement du chœur des rétifs (5)). Il semblerait donc que la conviction de
Nicolas Sarkozy quant à la nécessité d’un tel mécanisme ait permis de faire
progresser, dans le gouvernement dirigé par Dominique de Villepin (6), l’idée d’un
tel contrôle parlementaire, alors même que l’affaire Clearstream générait des
perturbations politiques non négligeables.
Toutefois, cette timide avancée s’apparentait fort à un marchandage, ainsi
que le reconnut Alain Marsaud lui-même : « Pour la première fois, un ministre
nous propose à nous, parlementaires, d’intervenir dans la réglementation de ces
activités. Mais il ne le fait pas gratuitement : il a besoin que nous donnions des
outils juridiques forts à ces services afin de lutter plus efficacement contre le
terrorisme (7). » En outre, Nicolas Sarkozy formula deux souhaits : il demanda
d’abord aux parlementaires de ne pas se montrer trop ambitieux dans leurs
requêtes afin de ne point heurter inconsidérément les services de
renseignement (8) ; il sollicita ensuite un délai dans le but d’élaborer le meilleur
texte possible (il proposa alors la création d’un groupe de travail susceptible de
rendre des conclusions pour le 15 février 2006) (9).
(1) Déposé le 26 octobre 2005.
(2 ) Compte rendu des débats, séance publique du 23 novembre 2005, JORF, p. 7426.
(3) « C’est une proposition importante que je présente au nom du Gouvernement car, moi aussi, j’ai des
contraintes. En effet, il me faut convaincre. », in compte rendu des débats, séance publique du 24 novembre
2005, JORF, p. 7486. Ce à quoi Alain Marsaud lui répondit : « Je vous ai écouté, monsieur le ministre
d’État, et j’ai confiance en vous – j’ai bien dit en vous. Vous vous exprimez au nom du Gouvernement,
mais j’ai cru comprendre que certains ont peut-être des conceptions antédiluviennes de nos institutions et du
rôle du Parlement. » (JORF, p. 7488)
(4) Audition de Nicolas Sarkozy devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale, 16 novembre 2005.
(5) Compte rendu des débats, séance publique du 24 novembre 2005, JORF, p. 7486.
(6) Sans dévoiler la position du Premier ministre, Bruno Le Maire atteste de la faveur de Nicolas Sarkozy à
l’égard de cette initiative. (In Des hommes d’État, Paris, Grasset, 2008, p. 230)
(7) Compte rendu des débats, séance publique du 24 novembre 2005, JORF, p. 7484.
(8) Audition de Nicolas Sarkozy devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale, 16 novembre 2005.
(9) Compte rendu des débats, séance publique du 24 novembre 2005, JORF, p. 7486.