— 77 —

l’année 1945, la commission de la justice et de l’épuration de l’assemblée
consultative demanda à entendre le directeur général des services (DGER), le
général de Gaulle fit part à son président de son refus par une lettre (non publique)
du 22 février 1945. D’ailleurs, lors du conseil des ministres du 28 décembre 1945
au cours duquel fut soumis un projet de décret instituant le Service de
documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) pour succéder à la
DGER, le général de Gaulle précisa qu’il fallait éviter, entre autres « écueils »,
qu’un « contrôle soit établi sur ces services » (1).
Au demeurant, sa volonté ne pouvait que s’accommoder du désintérêt des
parlementaires de la IVe République qui, hormis dans le cadre de la commission
d’enquête sur l’affaire des généraux, ne cherchèrent point à s’approprier les
thématiques relatives au renseignement. D’une manière générale, « jusqu’au début
des années 1970, il apparaît très clairement que les élus de la Nation n’ont jamais
voulu « contrôler » ou « enquêter » sur des administrations aussi singulières » (2).
L’année 1971 marqua à cet égard une rupture puisqu’à l’occasion de
l’affaire Delouette qui impliquait le service extérieur, le groupe centriste du Sénat
déposa un amendement prévoyant de subordonner le vote du budget à la remise
par le Gouvernement d’un rapport à une commission mixte sur le SDECE. Par la
suite, les initiatives de ce type fleurirent (cf. tableau synoptique ci-après), mais
« dans toutes les autres offensives parlementaires postérieures et notamment dans
celles qui débouchèrent sur la réunion de commissions et la rédaction d’un
rapport public entre 1973 et 1992, ce n’était pas les services de renseignement
eux-mêmes qui étaient l’objet direct de la curiosité parlementaire, mais certains
de leurs outils (écoutes en 1973), de leurs pratiques (coordination antiterroriste
en 1984) ou à nouveau des « affaires », mais dans lesquelles leur rôle était
secondaire (avions renifleurs en 1984, affaire Habache en 1992) » (3) – à
l’exception notable cependant de l’affaire du Rainbow Warrior durant l’été 1985.
En effet, les élus communistes proposèrent alors, en vain, de créer une délégation
parlementaire au renseignement. Ils réitérèrent leur demande avec le même
insuccès en 1988, après la réélection de François Mitterrand.
Les années 1990 marquent une volonté renouvelée de contrôler les
activités de renseignement. Si quelques timides tentatives ont lieu entre 1996 et
1997 (notamment à l’occasion du projet de loi de finances rapporté par le sénateur
Jean Faure), c’est après la dissolution de 1997 que le sénateur Nicolas About
remet cet enjeu au cœur du débat par le biais d’une proposition de loi portant
création d’une délégation parlementaire au renseignement (4). L’élu invite à
installer un contrôle « qui ferait faire à la France une avancée significative et

(1) Ibid., p. 136.
(2) Ibid., p. 137.
(3) Ibid., p. 138.
(4) Proposition de loi (n° 439, 1996/1997) portant création d’une délégation parlementaire dénommée
délégation parlementaire du renseignement, déposée le 30 septembre 1997.

Select target paragraph3