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Or, le respect du principe de séparation des pouvoirs interdit de soumettre
des parlementaires à une telle procédure d’habilitation, laquelle comprend une
enquête approfondie afin de « vérifier qu’une personne peut, sans risque pour la
défense nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou
supports protégés dans l’exercice de ses fonctions » (1). En effet, en refusant
éventuellement l’habilitation d’un député ou sénateur, le Gouvernement pourrait
alors interférer dans le fonctionnement d’une instance parlementaire.
Par ailleurs, les articles 413-10, 413-11 et 413-12 du code pénal prévoyant
les sanctions applicables en cas de compromission du secret de la défense
nationale ne comportent pas d’exception. Ils s’appliquent sans distinction aux
membres du Parlement ou aux magistrats qui, chacun à leur manière, peuvent
avoir à connaître des éléments couverts par ce secret. Le dispositif législatif repose
donc sur un équilibre : des personnes accèdent à des informations ou des
documents et doivent respecter des règles au risque d’être sanctionnées par la
justice.
Comme cela a déjà été rappelé, cet équilibre se heurte sur le plan
juridique, pour les parlementaires, à la lettre de l’article 26 de la Constitution, dont
le premier alinéa dispose « qu’aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi,
recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui
dans l’exercice de ses fonctions ». Cette irresponsabilité les soustrait à toute
poursuite pour les actes liés à l’exercice de leur mandat. Elle couvre tous les actes
de la fonction parlementaire : interventions et votes, propositions de loi,
amendements, rapports ou avis, questions, actes accomplis dans le cadre d’une
mission confiée par les instances parlementaires. Elle protège les élus contre toute
action judiciaire, pénale ou civile, motivée par des actes qui, accomplis hors du
cadre d’un mandat parlementaire, seraient pénalement sanctionnables ou
susceptibles d’engager la responsabilité civile de leur auteur (diffamation ou injure
par exemple).
Dans son domaine d’application, l’irresponsabilité revêt un caractère total,
car aucune procédure ne permet de la lever. Elle est permanente, s’appliquant
toute l’année y compris lorsque le Parlement ne siège pas. Elle est perpétuelle et
s’oppose aux poursuites motivées par les actes accomplis durant le mandat, même
après la fin de celui-ci. La mise en œuvre de l’irresponsabilité relève de la
compétence exclusive des autorités judiciaires. Elle constitue un moyen d’ordre
public ; aussi le parlementaire ne peut-il y renoncer.
Cependant, même si l’article 26 de la Constitution offre une protection très
large, il n’entraîne pas l’immunité complète puisque, pour leurs interventions en
séance publique, les députés restent toujours soumis au régime disciplinaire prévu
par le Règlement de l’Assemblée. Par ailleurs, la jurisprudence a adopté une
conception restrictive de l’irresponsabilité, contrairement aux conceptions
(1) Article 15 de l’instruction générale interministérielle sur la protection du secret de la défense nationale du
25 août 2003.