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« Encadrer » enfin, car le contrôle est la nécessaire contrepartie du
secret qui caractérise l’activité des services et des moyens attentatoires aux
libertés publiques dont ils peuvent être amenés à user. Pour autant, comme le
souligne Eliza Manningham-Buller, ancienne directrice du MI 5, le service de
renseignement britannique (1), « pour assurer la sécurité de nos libertés
démocratiques dans un État de droit, certains secrets devront rester tels ». Ce
constat conduit la mission à distinguer, sur un plan opérationnel qui soit
compatible avec la vocation des services, trois types de contrôle : le contrôle
interne, le contrôle externe de responsabilité, le contrôle externe de légalité et de
proportionnalité (cf. infra).
La loi devra donc dans un premier temps rappeler que les services
protègent non pas la Loi fondamentale, comme le dirait la loi allemande (2) ou « la
démocratie parlementaire » selon la terminologie britannique (3), mais qu’ils
contribuent à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation (4) et à la stratégie
de sécurité nationale (5). À cette fin, ils ont pour vocation générale de collecter et
de mettre à la disposition des autorités gouvernementales les informations
essentielles concernant la situation internationale ainsi que les risques de sécurité
intérieure et extérieure. Ils réalisent, en outre, des analyses dans ces domaines en
anticipant les évolutions et les conséquences en matière de sécurité intérieure et
extérieure de la France. Ils contribuent également à détecter, entraver et lutter
contre toutes les activités constituant des menaces (espionnage, ingérence,
terrorisme, subversion violente, criminalité organisée et grande délinquance
financière).
Évidemment, il sera cependant nécessaire de distinguer l’action des
services sur le territoire national (encadrée par la loi suggérée) de celle conduite
hors de nos frontières qui, légitimée par un texte législatif, demeurerait
uniquement régie par le droit international (jusque dans ses imperfections).
Naturellement, la clandestinité des actions du service de renseignement extérieur
ne peut autoriser qu’un contrôle politico-administratif. Aussi dans cette optique,
l’action de la DGSE trouverait dans la loi en question non un encadrement
juridique mais une légitimation, tandis que les services strictement militaires
poursuivraient leur mission dans le cadre déterminé des opérations extérieures (qui
nécessiterait néanmoins quelques ajustements).
(1) Eliza Manningham-Buller, Securing Freedom, Londres ,Profile Books, 2012, p. 92.
(2) Office fédéral de protection de la constitution (Bundesamt für Verfassnugsschutz, BfV).
(3) Security Service Act, 1989.
(4) Renvoyant ainsi à la définition qu’en donne l’article 410-1 du code pénal : « Les intérêts fondamentaux de
la Nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa
sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la
sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son
environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine
culturel. »
(5) Telle que définie par l’article L 1111-1 du code de la défense : « La stratégie de sécurité nationale a pour
objet d’identifier l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation,
notamment en ce qui concerne la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des
institutions de la République, et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter. »