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de remplir et les moyens nécessaires pour qu’ils les exécutent dans des conditions
optimales.
L’enchevêtrement juridique et administratif, l’absence de codification, le
caractère partiel de la publicité des textes concernés conduisent à s’interroger sur
l’éventuelle nécessité de fournir aux services de renseignement eux-mêmes un
statut administratif et un cadre juridique unitaires. Toutefois, la mission estime
que l’enjeu d’une loi ne réside pas dans la création de services de renseignement.
Cette démarche n’est en effet pas conforme à notre tradition française dans la
mesure où les services spécialisés sont avant tout des administrations et qu’il est
normal que leur organisation relève du seul pouvoir réglementaire. De surcroît, si
la loi devait les citer pour leur attribuer des missions spécifiques, il s’ensuivrait à
l’avenir une lourdeur dont on discerne mal l’éventuelle plus-value.
L’intérêt d’une loi ne réside pas plus dans l’élaboration d’un nouveau
statut administratif dérogatoire pour les services, s’inspirant de la voie suivie par
les Espagnols (1). D’abord parce qu’une telle évolution aurait des conséquences
importantes en matière de contrôle parlementaire et ensuite parce que, si sur
certains points, les agents se distinguent des fonctionnaires plus traditionnels
(anonymat, protection fonctionnelle, etc.), un simple travail de codification des
textes existants devrait suffire à créer un environnement juridique plus stable (la
Belgique a récemment réalisé ce travail).
L’ambition est tout autre puisqu’il s’agit de légitimer, de favoriser et
d’encadrer l’action des services de renseignement engagés dans la défense de
la démocratie et des citoyens.
« Légitimer » d’abord, dans la mesure où seule une loi peut définir
durablement leurs missions, y compris en intégrant des dérogations au droit
commun (conformément à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen ou
à l’article 34 de la Constitution). Elle permettrait ainsi de sortir de « l’opacité qui
entoure les services dits « secrets » et qui tend à inquiéter davantage qu’elle ne
rassure, même si les raisons en sont comprises » (2).
« Favoriser » ensuite, dès lors que l’action conduite par les services est
une politique publique qui permet à l’État d’assurer la sécurité des citoyens et la
protection de ses valeurs. Il convient donc de lui octroyer des ressources
proportionnelles au but poursuivi, c’est-à-dire, dans le cas d’espèce, des moyens
humains, matériels, technologiques. Ainsi les membres des services de
renseignement ne pourraient encourir de poursuites judiciaires dans l’exercice de
leur fonction. De même, le pouvoir exécutif ne saurait se défausser car une loi
garantirait le fonctionnement d’un mécanisme de responsabilité plein et entier,
fondement de notre démocratie parlementaire.
(1) Ley 11/2002, de 6 de mayo, reguladora del Centro Nacional de Inteligencia.
(2) Éric Denécé, « L’absence du suivi des activités démocratiques des services de renseignement par le
Parlement : une lacune de la démocratie française », note du Centre Français de Recherche sur le
Renseignement (CF2R), 31 janvier 2006.

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