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par ce dernier, un dispositif technique permettant d’entendre le fonctionnaire à
distance et rendant sa voix non identifiable est utilisé.
Cependant, de l’aveu même des personnes entendues par la mission, cette
procédure spécifique de déposition semble extrêmement malaisée à mettre en
œuvre. En effet, comment un juge d’instruction peut-il questionner l’agent d’un
service de renseignement de façon suffisamment précise pour apprécier la fiabilité
de son témoignage, mais de façon suffisamment floue pour éviter la divulgation
d’éléments susceptibles de permettre à la personne suspectée de reconnaître son
contradicteur ? Les confrontations, si elles répondent aux exigences du procès
équitable, sont en réalité difficiles à organiser et, en pratique, l’anonymat des
personnels ne peut guère être protégé lorsqu’ils sont conduits à témoigner devant
un tribunal. Or, tel est de plus en plus fréquemment le cas, souvent sur des
dossiers à la mise en œuvre desquels les agents n’ont pas personnellement pris une
part prépondérante.
Quant à la responsabilité pénale des fonctionnaires des services de
renseignement, ces derniers bénéficient, lorsqu’ils recourent à certains moyens
d’action, d’immunités prévues par la loi (1). Cependant, les agents qui agissent en
dehors de tout cadre légal (en raison de l’inexistence de celui-ci, comme il a déjà
été souligné à maintes reprises) commettent, de fait, des actions constitutives
d’infractions au regard du droit pénal. Car les nécessités opérationnelles les
contraignent bel et bien à perpétrer de telles infractions : violation de la vie privée,
intrusion dans des lieux privés et même vol d’un véhicule déplacé quelques heures
pour la pose d’une balise GPS. Un ancien directeur d’un service a ainsi indiqué à
la mission « avoir franchi la ligne blanche de façon continue » pendant toute la
durée de ses fonctions. Or, l’usage de ces moyens spéciaux sans autorisation
légale est évidemment susceptible d’entraîner la mise en jeu de la responsabilité
pénale des agents ayant exécuté les ordres donnés par leur supérieur. Car, dès lors
que ceux-ci sont manifestement illégaux, rien ne saura prémunir ces personnels
contre l’action du juge pénal. En effet, le second alinéa de l’article 122-4 du code
pénal dispose clairement que « n’est pas pénalement responsable la personne qui
accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est
manifestement illégal ».
Ainsi, plusieurs agents sont actuellement mis en examen pour des
infractions commises dans le cadre de leurs fonctions sans que leur probité puisse
en réalité être contestée. Le constat n’est pas nouveau. Par le passé, plusieurs
affaires ont conduit à mettre en jeu la responsabilité pénale des agents des services
de renseignement. Dans le cadre du suivi du mouvement de mai 1968 par
l’ancienne Direction de la surveillance du territoire (DST), un fonctionnaire du
(1) C’est notamment le cas pour l’usage d’une identité d’emprunt et des procédures d’infiltration. Pour les
autres moyens d’action dont disposent les services dans le cadre d’une procédure judiciaire, l’autorisation
de la loi vaut dérogation aux dispositions du code pénal : la sonorisation d’un appartement, qui peut
nécessiter la pose de matériels et donc l’effraction dans un lieu privé, ne saurait être constitutive d’une
infraction dès lors qu’elle respecte les conditions posées par la loi (article 706-96 du code de procédure
pénale).

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