— 39 —

service infiltré parmi les protestataires fut condamné par la Justice. Son chef de
service dut solliciter une mesure de grâce du Président de la République pour que
le policier ne subisse pas la peine prononcée à son encontre (1). En outre, les
directeurs de service ne sont pas à l’abri de poursuites : dans le cadre de l’affaire
relative au pasteur Doucé, le préfet de police de Paris ainsi que son directeur des
Renseignements généraux furent poursuivis pour des écoutes téléphoniques
réalisées en 1990. « Ils ne furent acquittés que sur la base d’un raisonnement
juridique complexe reconnaissant que les actes commis auraient été autorisés
dans le cadre de la loi postérieure de 1991 (qui légalisa les interceptions de
sécurité) » (2) et que la loi plus favorable devait s’appliquer, extrapolant ainsi les
principes inhérents au droit pénal. Plus récemment, Bernard Squarcini, ancien
directeur central du renseignement intérieur, a été mis en examen le 17 octobre
2011 pour atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de
l’autorité publique, collecte de données à caractère personnel par un moyen
frauduleux, déloyal ou illicite et recel de violation du secret professionnel (3). De
même, l’affaire Merah a généré un contentieux puisque trois plaintes pour
« homicides involontaires », « mise en danger de la vie d’autrui » et « nonempêchement de crime » ont été déposées par les familles des victimes à
l’encontre de la DCRI, de son directeur et de Nicolas Sarkozy. Elles témoignent
une fois de plus de la judiciarisation des affaires de renseignement.
Pour autant, aucun agent d’un service de renseignement n’a heureusement
encore été condamné en France pour des actes commis dans l’exercice de ses
fonctions. Mais, ainsi que l’a souligné une personne entendue par la mission, la
judiciarisation croissante de la société, associée à la constitution de partie civile
qui fait obstacle au classement de l’affaire par le procureur de la République, ne
peut que conduire à un risque accru de mise en jeu de la responsabilité pénale des
personnels.
Plus délicats encore sont les dossiers qui impliquent l’action de nos
services de renseignement à l’étranger. La protection juridique de l’État français
est alors difficile à apporter et élève nécessairement l’affaire au niveau politique.
Deux agents français de la DGSE ont ainsi été condamnés à dix ans
d’emprisonnement pour homicide involontaire dans l’affaire du Rainbow Warrior.
Plus récemment et de manière heureusement moins dramatique, plusieurs agents
ont été arrêtés, puis libérés, dans le cadre d’un entraînement en Bulgarie, en
décembre 2012.
En de telles circonstances, l’expérience démontre que l’engagement de la
responsabilité pénale des agents est extrêmement difficile à contenir à l’étranger.
Tout au plus l’État peut-il leur fournir discrètement un avocat, par le biais de la
représentation diplomatique, quand l’affaire n’est pas portée devant une juridiction
(1) Bertrand Warusfel, Contre-espionnage et protection du secret : histoire, droit et organisation de la sécurité
nationale en France, op. cit, p. 75.
(2) Ibid, p. 123.
(3) Depuis la décision de la cour d’appel de Paris du 12 décembre 2012, il reste mis en examen uniquement
pour « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ».

Select target paragraph3