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professionnel – pour les avocats –, devraient du moins l’être avec une plus grande
fermeté.
La protection de l’anonymat des personnels des services de renseignement
ne constitue nullement quelque privilège exorbitant mais, bien au contraire, une
absolue nécessité afin de ne pas exposer nos services à des tentatives d’ingérence
de la part de puissances ou d’organismes étrangers. Le laxisme judiciaire
aujourd’hui constaté à l’égard des médias s’avère d’autant plus problématique
qu’il s’accompagne d’un interventionnisme manifeste de la magistrature dans le
monde secret des services de renseignement.
3. L’irrépressible quête des juges
Le monde judiciaire et le monde du renseignement apparaissent, au
premier abord, inconciliables. Alors que le premier repose sur une exigence de
transparence, le second attache naturellement un soin constant au secret de ses
sources comme de ses opérations. On mesure alors l’inconfort de la situation des
agents appelés à témoigner ou qui voient leur responsabilité pénale engagée.
Pourtant, la loi (1) a institué un régime de déposition spécifique aux
personnels des services de renseignement. Dans le cadre de leurs activités, ils
peuvent être en effet les témoins de la commission d’une infraction et dès lors
ultérieurement appelés à témoigner. Afin de les protéger, le législateur a élaboré
un dispositif particulier. Cet ajustement découle du constat (2) de l’inadaptation des
conditions de « dépositions sous X », ou de celles qui permettent aux agents
spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme de déposer sous un numéro
d’immatriculation administrative qui préserve leur identité (3).
Le nouvel article 656-1 du code de procédure pénale protège ainsi de
plusieurs manières l’identité des personnels appelés à témoigner dans le cadre
d’une procédure judiciaire :
– l’identité réelle de l’agent ne doit jamais apparaître au cours de cette
procédure ;
– les questions susceptibles de lui être posées ne doivent pas conduire à ce
que soit révélée son identité réelle ;
– si l’organisation d’une confrontation entre la personne suspectée et
l’agent est nécessaire, en raison des éléments à charge personnellement constatés
(1) Article 27 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance
de la sécurité intérieure.
(2) Le rapport n° 2271 de M. Éric Ciotti, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la
législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale sur le projet de loi
d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (janvier 2010), p. 188,
recense une dizaine d’agents de la DGSE contraints entre 1991 et 2009 de témoigner sous leur identité
réelle.
(3) Article 706-24 du code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la
lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.